Les investisseurs parient sur la maîtrise de l’inflation par la Banque du Canada à l’approche de la fin de la crise.
Le marché obligataire canadien est d’avis que les multiples hausses de taux d’intérêt prévues en 2022 par la Banque du Canada, dont une potentiellement cette semaine, permettront de maîtriser les pressions sur les prix, au prix toutefois d’un ralentissement de la croissance économique.
Il s’agit d’un changement de perception qui est souligné par les mouvements de ce qu’on appelle le point mort d’inflation, une mesure du marché des attentes d’inflation. Le point mort d’inflation à 10 ans est passé sous la barre des 1,9 % ce mois-ci après avoir atteint 2,3 % en novembre, son niveau le plus élevé depuis 2015.
En revanche, les récentes données d’enquête de la banque centrale canadienne ont montré que les attentes en matière de hausse des prix chez les consommateurs et les entreprises ont grimpé.
La baisse des anticipations d’inflation donne aux entreprises une plus grande confiance pour poursuivre leurs plans de croissance.
« Comme le marché prévoit un cycle de resserrement agressif de la Banque du Canada, cela implique que l’inflation est moins susceptible de rester élevée dans les années à venir », a déclaré Andrew Kelvin, stratège en chef pour le Canada chez TD Securities.
Les marchés monétaires considèrent qu’il y a 65 % de chances que la banque centrale du Canada augmente son taux d’intérêt de référence, qui se situe actuellement à 0,25 %, lors de l’annonce de sa politique mercredi, malgré l’incertitude déclenchée par la variante Omicron du coronavirus. Il s’agirait de la première hausse de taux depuis octobre 2018.
Les investisseurs s’attendent à six hausses au total cette année, ce qui porterait le taux directeur à son niveau pré-pandémique de 1,75 %. Le nombre attendu de hausses est en hausse par rapport aux quatre de décembre et deux de plus que ce que les marchés attendent de la Réserve fédérale.
L’urgence que le marché voit pour la Banque du Canada de commencer à resserrer sa politique est due au fait que l’inflation canadienne, qui a atteint un sommet en 30 ans de 4,8 % en décembre, menace de dépasser l’objectif de 2 % de la banque centrale à plus long terme en alimentant les attentes de futures augmentations de prix.
Les signes de surchauffe du marché canadien du logement pourraient également préoccuper la banque centrale après que les données de décembre aient montré que le prix de vente moyen d’une maison avait augmenté de près de 18 % par rapport à l’année précédente.
GUERRE PSYCHOLOGIQUE
Mais la possibilité d’une atténuation des perturbations de la chaîne d’approvisionnement plus tard dans l’année pourrait réduire les pressions sur les prix, selon les économistes, tandis que les augmentations passées des prix de l’énergie disparaîtront du calcul de l’inflation au fil du temps.
« Les banques centrales du Canada et des États-Unis gagnent la guerre psychologique, réussissant à convaincre les investisseurs qu’elles sont sérieuses dans leur lutte contre l’inflation », a déclaré Karl Schamotta, stratège en chef du marché chez Cambridge Global Payments.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré en décembre que le ralentissement de l’économie canadienne causé par la pandémie de coronavirus avait considérablement diminué, un signe clé que la banque centrale commencerait bientôt à relever ses taux. La Fed est également devenue plus belliciste.
Les deux banques centrales ont tendance à augmenter les taux par tranches de 25 points de base, mais elles pourraient aller plus vite.
Quelque temps après la première hausse, la Banque du Canada devrait commencer à procéder à un resserrement quantitatif, ou QT, en réduisant le montant des obligations de son bilan qui ont été achetées pendant la pandémie pour soutenir l’économie.
La combinaison du QT et des hausses de taux pourrait peser sur l’activité économique, en particulier après que les Canadiens aient augmenté leurs emprunts pendant la pandémie.
La dette des ménages sur le marché du crédit s’élevait à 2 600 milliards de dollars canadiens au troisième trimestre de 2021, soit environ 177 % en proportion du revenu, en hausse de 10 % par rapport au dernier trimestre de 2019.
Mais l’emploi a grimpé au-dessus de son niveau pré-pandémique et les gens ont accumulé une quantité d’épargne sans précédent.
Les économistes estiment que l’augmentation de l’épargne par rapport à la tendance pré-pandémique pourrait atteindre près de 300 milliards de dollars canadiens, soit environ 20 pour cent des dépenses annuelles.
Le resserrement « ne doit pas nécessairement impliquer une période économique douloureuse », a déclaré M. Kelvin. « Cela signifie que la période de croissance supérieure à la tendance prendra probablement fin au cours des deux prochaines années. »
(Reportage de Fergal Smith ; édition de Denny Thomas et Paul Simao)