Utilisation de logiciels espions au Canada : Un comité top-secret passe en revue
Le comité parlementaire très secret sur la sécurité nationale lance une étude sur la capacité des agences fédérales à intercepter les communications privées, à la suite de la révélation par la GRC de l’utilisation de logiciels espions dans le cadre d’enquêtes majeures, depuis des décennies.
Jeudi, le Comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (NSICOP) a annoncé qu’il commençait l’enquête, avec l’intention d’examiner « le cadre législatif, réglementaire, politique et financier de l’interception légale des communications pour les activités de sécurité et de renseignement ».
En décidant d’entreprendre ce travail, le comité – composé de députés et de sénateurs de divers caucus – dit qu’il a également l’intention d’examiner les défis de rester à la pointe des dernières technologies telles que le cryptage.
Le cryptage est l’une des raisons invoquées par la GRC pour justifier le déploiement d’un logiciel capable d’accéder à distance aux microphones, caméras et autres données des téléphones cellulaires et des ordinateurs comme outil d’investigation dans des dizaines d’enquêtes.
« La police a parfois besoin d’utiliser des capacités technologiques avancées pour surmonter les obstacles à l’enquête tels que ceux causés par le cryptage », peut-on lire dans les documents de la GRC déposés à la Chambre des communes en juin.
Les documents jettent un nouvel éclairage sur la capacité de l’équipe d’accès et d’interception de la police à accéder « secrètement et à distance » à des messages texte et à d’autres communications privées qui ne peuvent pas être recueillis au moyen de l’écoute électronique ou « d’autres techniques d’enquête moins intrusives ».
L’utilisation par la GRC, depuis des années et jusqu’alors non divulguée, de logiciels capables d’accéder secrètement aux appareils électroniques des suspects a fait l’objet d’une série d’audiences marathon du Comité de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes au début du mois.
Au cours d’une réunion, des officiers supérieurs de la GRC ont fait une série de révélations notables sur l’utilisation par la GRC d' »outils d’investigation sur dispositif » ou ODIT.
Bien que le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, ait défendu l’utilisation de ces outils, affirmant qu’il est convaincu que la » nécessité d’enquête » a été limitée par la loi pour n’être autorisée que dans le cas des » infractions les plus graves « , il a refusé de divulguer le nom du logiciel utilisé ou de dire si d’autres organismes fédéraux relevant de son portefeuille, comme l’ASFC ou le SCRS, utilisent des tactiques similaires.
Au cours des audiences, les experts en matière de protection de la vie privée et de libertés civiles ont qualifié les outils d' »extrêmement intrusifs » et ont déclaré que le fait que la police nationale garde ces informations à l’écart du public et du chien de garde de la vie privée du Canada pendant des années est une raison évidente pour mettre en place une surveillance et une réglementation plus fortes.
Maintenant, le NSICOP dit qu’il prévoit également « d’examiner les risques potentiels pour le droit à la vie privée des Canadiens », en ce qui concerne l’utilisation de ces outils.
« Maintenir la capacité de nos organisations de sécurité, de police et de renseignement à obtenir et à utiliser légalement les données de communication tout en assurant la protection de la vie privée et la sécurité numérique est essentiel pour protéger les Canadiens contre des menaces de plus en plus complexes », a déclaré le président du NSICOP et député libéral David McGuinty dans un communiqué.
Il a ajouté que le fait que la NSICOP – qui se réunit à huis clos et dont tous les membres doivent avoir le plus haut niveau d’habilitation de sécurité – se penche sur la question permettra à des organisations comme la GRC de « présenter clairement la totalité du problème auquel elle est confrontée ».
Avant que le comité de la Chambre n’entreprenne son étude spéciale de l’été, les députés libéraux ont suggéré que, compte tenu de la nature délicate et des éléments classifiés du sujet, il serait peut-être préférable de confier le travail au NSCIOP, tandis que les députés de l’opposition ont indiqué leur intention de poursuivre les rencontres à huis clos avec la police fédérale et les responsables des enquêtes concernés afin de recueillir plus d’informations sur l’utilisation des logiciels espions par les agences.
L’organe de surveillance de haut niveau a été créé en 2017, et reflète des comités similaires mis en place dans les autres pays de l’alliance « Five Eyes ». Le NSICOP rend compte au Premier ministre Justin Trudeau, puis dépose des versions déclassifiées de ses conclusions au Parlement.