Loi sur les mesures d’urgence : un an plus tard, le tribunal entendra la contestation judiciaire
Un groupe national de défense des libertés civiles est sur le point de faire valoir que des « affirmations nébuleuses ou tendues » sur l’instabilité économique ou les troubles généraux n’étaient pas suffisantes pour justifier légalement l’utilisation par le gouvernement libéral de la Loi sur les mesures d’urgence au début de l’année dernière.
L’Association canadienne des libertés civiles fait partie des groupes et des individus qui comparaissent devant la Cour fédérale aujourd’hui pour faire valoir qu’Ottawa n’avait pas de motifs statutaires solides pour utiliser la loi sur les urgences et les mesures associées pour réprimer les manifestations qui ont paralysé la capitale nationale et les principaux points frontaliers.
Le gouvernement soutient que les mesures prises pour faire face à la situation d’urgence pancanadienne étaient ciblées, proportionnelles, limitées dans le temps et conformes à la Charte canadienne des droits et libertés.
La Commission d’urgence de l’ordre public, un examen obligatoire qui a lieu après l’invocation de la loi sur les urgences, a conclu que le gouvernement avait atteint le seuil très élevé d’utilisation de la loi.
Désormais, les arguments juridiques pour et contre la décision seront entendus devant un tribunal.
L’audience de trois jours devrait commencer par les raisons du gouvernement fédéral pour lesquelles l’affaire ne devrait pas du tout être portée devant les tribunaux, étant donné que les mesures d’urgence ont été révoquées.
Début février 2022, le centre-ville d’Ottawa était rempli de manifestants, dont beaucoup dans de gros camions qui sont arrivés en ville à partir de la fin janvier.
Apparemment une manifestation contre les restrictions sanitaires liées à la COVID-19, le rassemblement a attiré des personnes avec une variété de griefs contre le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement.
Les rues généralement tranquilles autour du Parlement ont été transformées par des klaxons de forage, des vapeurs de diesel, des campements de fortune et même un bain à remous et un château gonflable au fur et à mesure que les gens s’installaient.
L’afflux, y compris certains participants issus du mouvement d’extrême droite, a incité de nombreuses entreprises à fermer leurs portes et a aggravé les résidents par le bruit, la pollution et les comportements de harcèlement.
La frustration du public a mijoté face au manque de mesures d’application de la part de la police d’Ottawa.
Pendant ce temps, des camions ont bloqué des passages frontaliers clés, y compris des routes clés vers les États-Unis à Windsor, en Ontario, et à Coutts, en Alberta.
Le 14 février, le gouvernement a invoqué la loi sur les mesures d’urgence, qui autorisait des mesures temporaires, notamment la réglementation et l’interdiction des rassemblements publics, la désignation de lieux sûrs, l’ordre aux banques de geler les avoirs et l’interdiction de soutenir les participants.
C’était la première fois que la loi était utilisée depuis qu’elle avait remplacé la Loi sur les mesures de guerre en 1988.
Dans une lettre aux premiers ministres le lendemain, Trudeau a déclaré que le gouvernement fédéral croyait avoir atteint un point « où il y a une urgence nationale résultant de menaces à la sécurité du Canada ».
L’association des libertés civiles soutient que le seuil légal n’a pas été atteint.
Les protestations n’ont pas créé, comme l’exige la Loi sur les mesures d’urgence, une « menace à la sécurité du Canada » au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, et il n’y a pas eu non plus d’« urgence nationale » au sens de la Loi sur les mesures d’urgence, l’association plaide dans une communication écrite au tribunal.
« La loi ne permet pas au gouvernement de proclamer une urgence sur la base d’allégations nébuleuses ou tendues concernant l’instabilité économique et le commerce international, un sentiment général d’agitation ou des dons étrangers à une cause », indique le mémoire.
« Même la présence d’un petit nombre d’individus dangereux dans des endroits spécifiques, bien qu’étant une priorité appropriée pour les forces de l’ordre, ne pourrait pas justifier une urgence nationale. »
De plus, le Règlement sur les mesures d’urgence et le Décret sur les mesures économiques d’urgence introduits par la proclamation échouent à l’examen en vertu de diverses dispositions de la Charte, dit l’association.
« La question de savoir si le seuil légal pour invoquer la loi sur les urgences a été atteint est importante non seulement pour évaluer un événement historique, mais aussi pour savoir comment il pourrait guider les gouvernements à l’avenir », a déclaré Cara Zwibel, directrice du programme des libertés fondamentales de l’association.
« En fin de compte, c’est une question à laquelle seuls les tribunaux peuvent répondre. »
L’audience de la Cour fédérale comprendra d’autres personnes qui ont déposé des actions contestant l’utilisation des mesures d’urgence: la Fondation de la Constitution canadienne, Canadian Frontline Nurses et Kristen Nagle, et les individus Jeremiah Jost, Edward Cornell, Vincent Gircys et Harold Ristau.
Le gouvernement soutient que les responsables fédéraux croyaient, pour des motifs raisonnables, qu’une urgence d’ordre public existait et nécessitait la prise de mesures spéciales temporaires.
Les demandeurs demandent maintenant au tribunal « d’utiliser le recul » pour déterminer que l’utilisation de la loi sur les mesures d’urgence n’était pas nécessaire, indique le procureur général.
« Cependant, ce n’est pas ce qui est requis dans ces contrôles judiciaires. »
Le gouvernement affirme que le rôle du tribunal n’est pas de « se mettre à la place » des décideurs, mais plutôt de déterminer si la décision était raisonnable dans le contexte dans lequel elle a été prise.
Ce rapport de La Presse canadienne a été publié pour la première fois le 3 avril 2023