Ça s’améliore : Roberta Bondar se souvient d’avoir été la première Canadienne à aller dans l’espace.
La plupart des souvenirs, après 30 ans, commencent à s’estomper.
Mais si ce souvenir est celui de la première femme canadienne à s’envoler dans l’espace, il ne peut que s’enrichir.
« J’en parle beaucoup, donc une grande partie de mes souvenirs sont encore frais », déclare Roberta Bondar, astronaute, chercheuse et photographe, qui célèbre samedi le troisième anniversaire de son vol.
« Mais c’est surtout moi qui le regarde rétrospectivement avec l’intelligence que j’ai aujourd’hui et la sagesse que j’ai acquise en 30 ans pour regarder ce moment de ma vie et voir les choses un peu différemment qu’il y a des années. »
La mission de Bondar en 1992 à bord de la navette Discovery a duré huit jours. Elle avait passé les huit années précédentes de sa vie à se préparer pour ce vol et pour les recherches qu’elle menait à bord sur l’effet de la faible gravité sur la vie.
Pendant les années qui ont suivi, elle a travaillé dans le domaine de la médecine spatiale et dans le milieu universitaire, effectuant deux mandats en tant que chancelière de l’université Trent à Peterborough, en Ontario.
Mais ces huit jours ne l’ont jamais quittée.
« Si vous me demandez une chose dont je me souviens de ce vol, c’est d’avoir vu le bord de la Terre et la réalité de la Terre en tant que planète », déclare cette femme de 76 ans, qui marquera l’anniversaire du week-end par une célébration en ligne.
« C’est la chose la plus importante qui a le plus d’impact dans ma vie.
« Il ne s’agit même pas seulement de la Terre. Cela amène les gens à réfléchir plus profondément à notre petitesse. C’est vraiment un moment de changement de perspective.
« Les 30 ans m’ont permis d’affiner cette exploration en profondeur de ce que j’ai vu. Qu’est-ce que cela signifie ? »
En fin de compte, cette expérience de l’espace a fini par signifier une nouvelle appréciation de la Terre. Elle s’est inspirée de l’exemple d’Ansel Adams, écrivain et photographe américain dont le travail est parfois crédité d’avoir contribué à créer le mouvement environnemental moderne.
« Je voulais faire l’éloge de l’environnement naturel », a-t-elle déclaré. « Je voulais amener les gens à l’aimer, car si vous n’aimez pas quelque chose, il est très difficile de vouloir le protéger. Je voulais partager cette émotion (de voir le monde depuis l’espace). »
Bondar est devenu un photographe accompli, célébrant la beauté du Canada dans des expositions telles que « Passionate Vision », une exposition de 2005 qui a fait le tour du pays avec des photographies grand format de tous les parcs nationaux du Canada. Depuis 2009, Mme Bondar dirige Space For Birds, un projet de sa fondation éponyme qui vise à utiliser la photographie pour mieux comprendre les milliards d’oiseaux migrateurs qui empruntent les voies de migration du monde entier deux fois par an.
En plus d’essayer d’intéresser les gens aux questions environnementales, Space For Birds cherche à savoir où et comment les oiseaux migrent, ainsi que l’habitat dont ils ont besoin en cours de route, en les étudiant sous trois angles : l’espace, l’air et le sol.
« Ces trois perspectives aideront les gens à s’identifier aux oiseaux migrateurs et aux défis qu’ils doivent relever », explique M. Bondar. « Nous ne savons pas grand-chose du comportement des oiseaux migrateurs ».
Bondar est peu impliquée directement dans le programme spatial canadien ces jours-ci. Bien qu’elle n’hésite pas à souligner qu’après 30 ans, elle n’est toujours qu’une des deux femmes canadiennes à avoir volé dans l’espace.
Julie Payette est allée dans l’espace en 1999 et en 2009. Une troisième femme canadienne, Jennifer Sidey-Gibbons, fait partie du programme des astronautes.
« Même à l’époque où les gens pensent à la diversité, c’est vraiment ridicule », dit-elle. « Ce n’est toujours pas diversifié ».
Bondar plaisante sur certaines des marques que ces huit jours ont laissées sur elle. « Vous voulez dire la perte osseuse ? », dit-elle en riant.
Et quand il s’agit du souvenir des salles de bain : « C’est vraiment difficile de faire abstraction de ça. »
Mais cette vue de la Terre – un rejet bleu vivant de l’immensité vide de l’espace – ne quittera jamais ses pensées.
« La possibilité de regarder la Terre depuis l’espace ΓǪ le sentiment et l’émotion ne changent pas, » dit-elle. « C’est différent, c’est mieux. »
Ce reportage de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 18 janvier 2022.