Un homme cherchant des dossiers de la GRC va au tribunal après que les archives nationales ont obtenu une prolongation de 80 ans.
OTTAWA. Un chercheur d’Ottawa demande à un juge d’ordonner aux Archives nationales du Canada d’accélérer le traitement de sa demande d’anciens dossiers de la GRC après qu’on lui ait dit d’attendre au moins 80 ans pour obtenir une réponse.
Dans un avis de demande à la Cour fédérale, Michael Dagg affirme que Bibliothèque et Archives Canada « n’a pas réussi à établir une base valide pour la prolongation extraordinaire du délai » pour traiter sa demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Cette affaire n’est que le dernier exemple des frustrations et des longs délais que connaissent de nombreux utilisateurs de la loi sur l’accès à l’information, en particulier lorsqu’ils tentent d’obtenir des documents historiques.
En mars 2018, Dagg a déposé une demande d’accès auprès de Bibliothèque et Archives pour obtenir des documents sur le projet Anecdote, une enquête sur la fraude et la corruption menée par la GRC à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
Les archives ont identifié 780 000 pages de documents sur papier et microfilms, y compris des rapports d’enquête, des déclarations de témoins, des notes d’information, des pièces à conviction, des mandats de perquisition et des communications avec des gouvernements étrangers.
Bibliothèque et Archives a déclaré qu’elle aurait besoin d’une extension de 29 200 jours pour traiter la demande, ce qui rend la date d’échéance du 25 mars 2098.
M. Dagg, qui utilise depuis longtemps la loi sur l’accès à l’information, a déclaré dans une interview qu’il avait demandé les dossiers de la GRC par curiosité pour l’enquête policière. Il a qualifié le retard de « scandaleux », affirmant que les archives devraient avoir un plan plus constructif.
L’avocat de Dagg, Paul Champ, a déclaré que demander une prolongation « mesurée en décennies est une mauvaise blague pour les Canadiens ».
« Il est triste que les ministères du gouvernement considèrent la législation sur l’accès à l’information comme un inconvénient qu’ils peuvent ignorer. Bibliothèque et Archives Canada devrait faciliter l’accès aux Canadiens, et non aider à enterrer les secrets du gouvernement. »
Dagg s’est plaint en mai 2018 auprès du commissaire à l’information, un ombudsman pour les utilisateurs de la loi d’accès.
La commissaire Caroline Maynard a appris que Bibliothèque et Archives avait besoin d’un an et demi pour numériser les documents et de beaucoup plus de temps pour parcourir les dossiers et exciser les éléments trop sensibles pour être divulgués.
Selon le rapport du commissaire d’octobre 2021, des consultations avec la GRC et le ministère de la Justice étaient probablement nécessaires, avec la possibilité d’autres intervenants, y compris des gouvernements étrangers.
En outre, l’estimation de 80 ans ne tenait même pas compte du traitement des informations pertinentes sur un éventail de supports audiovisuels et numériques.
Maynard a conclu que si le traitement de l’important volume de documents dans le délai standard de 30 jours prévu par la loi sur l’accès à l’information perturberait le fonctionnement des archives, la prolongation de 80 ans était déraisonnable.
Elle a déclaré que le lien entre les justifications avancées par Library and Archives et la durée de la prolongation n’avait pas été expliqué de manière adéquate, et que les archives n’avaient pas démontré que le travail nécessaire pour fournir l’accès dans « une période matériellement plus courte » que 80 ans entraverait leurs opérations.
En mars 2021, Bibliothèque et Archives a donné un nouveau délai de 65 ans pour traiter la demande.
Malgré cela, le rapport du commissaire a déclaré que l’organisation n’avait pas défini ni obtenu les ressources nécessaires pour traiter la demande, et n’avait pas non plus travaillé de manière significative à son achèvement.
Maynard a recommandé qu’une réponse à la demande soit fournie « immédiatement », mais Bibliothèque et Archives a refusé de céder.
Le bibliothécaire et archiviste en chef a déclaré que l’établissement d’un ordre de priorité pour l’achèvement des travaux « n’est tout simplement pas possible sans nuire gravement aux opérations de BAC, et particulièrement à sa capacité de maintenir des services équitables pour répondre aux demandes des autres Canadiens ».
M. Dagg veut que la cour ordonne à Bibliothèque et Archives Canada de traiter les documents rapidement et d’émettre des communiqués provisoires trimestriels des documents pertinents pendant que le traitement des autres documents se poursuit.
Les conclusions du commissaire à l’information ont été essentiellement ignorées dans cette affaire, ce qui démontre à quel point le système est défaillant, a déclaré M. Champ.
« Si la Cour fédérale ne peut pas mettre fin à cette violation délibérée de la loi par Archives Canada, cela montrera pourquoi une réforme est si nécessaire. »
Ce reportage de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 6 janvier 2022.