Irving Abella, historien qui a écrit sur le refus des réfugiés juifs par le Canada, est mort à 82 ans.
L’historien Irving Abella, co-auteur d’un livre fondamental sur le refus du gouvernement canadien d’accepter les réfugiés juifs fuyant l’Holocauste, est décédé.
Abella est décédé dimanche, le lendemain de son 82e anniversaire, après une longue maladie.
Il est né et a grandi à Toronto, et a obtenu son baccalauréat, sa maîtrise et son doctorat à l’Université de Toronto.
Son livre de 1982 « None is too Many : Canada and the Jews of Europe 1933-1948 », coécrit avec Harold Troper, fait la lumière sur l’histoire largement méconnue des politiques anti-immigrants du Canada à l’égard des Juifs persécutés et contribue à persuader les futurs gouvernements d’accueillir les migrants fuyant la guerre.
Entre l’ascension du parti nazi en 1933 et la création de l’État d’Israël en 1948, le Canada n’a accepté que 5 000 réfugiés juifs – un héritage qu’Abella et Troper ont qualifié de « pire bilan de tous les pays du monde ».
Louis, qui s’est vu refuser en 1939 le droit de débarquer ses passagers à Cuba et aux États-Unis. Certains Canadiens ont tenté de convaincre le premier ministre William Lyon Mackenzie King d’autoriser le navire à accoster à Halifax, mais cette demande a été rejetée par Fredrick Blair, un fonctionnaire qui était responsable du service d’immigration du gouvernement à l’époque. Abella et Troper ont révélé dans « Aucun n’est de trop » que Blair avait un dégoût particulier pour les Juifs et qu’il était l’architecte de politiques d’immigration très restrictives, menées avec le soutien total du gouvernement libéral de King.
De l’aveu même d’Abella, « None is Too Many » n’a jamais été censé être plus qu’un texte académique détaillant une période particulièrement sombre de l’histoire canadienne. Depuis, il est devenu bien plus que cela, notamment grâce à l’entrée de l’expression « aucun n’est de trop » dans le lexique canadien. Selon les propres termes d’Abella, le livre est devenu « un critère éthique permettant de mesurer les politiques gouvernementales contemporaines ».
À cette fin, des copies anticipées de certains chapitres du livre ont été envoyées à l’ancien ministre de l’Immigration Ron Atkey à la fin des années 1970, juste au moment où les Canadiens débattaient de ce que le pays devait faire, le cas échéant, face à la crise des réfugiés vietnamiens, connus sous le nom de Boat People. Après avoir lu ces chapitres et appris le traitement déplorable réservé par le Canada aux Juifs d’Europe, Ron Atkey a juré de ne pas répéter les erreurs du passé, et le Canada a accueilli des dizaines de milliers de nouveaux citoyens.
Le livre a remporté le National Jewish Book Award 1983 dans la catégorie Holocauste.
Abella est également très critique à l’égard de l’acceptation par le Canada, après la guerre, de milliers de collaborateurs nazis et de criminels de guerre, en particulier les membres de la division Waffen-SS Galicia, qui était composée de nationalistes et de fascistes ukrainiens.
Dans une interview de 1997 avec Mike Wallace de « 60 Minutes », Abella a déclaré qu’il était relativement facile pour les membres de la SS d’entrer au Canada, car leur tatouage caractéristique indiquait qu’ils étaient anticommunistes.
Abella est également l’auteur de « Coat of Many Colours : Two Centuries of Jewish Life in Canada », un texte important sur l’histoire des Juifs au Canada, ainsi que de plusieurs textes clés sur l’histoire du mouvement ouvrier au Canada. Il a passé sa carrière à enseigner l’histoire à l’Université York, et a occupé le poste de professeur Shiff d’histoire juive canadienne vers la fin de sa carrière.
Abella a également été actif en dehors du milieu universitaire, en tant que président du Congrès juif canadien de 1992 à 1995, et en tant que président de VisionTV, une chaîne de télévision religieuse spécialisée.
« Irving Abella était la quintessence du leader juif canadien », a déclaré Bernie Farber, ancien directeur général du Congrès juif canadien et actuel président du Réseau canadien contre la haine. « Il était sage, éloquent, engageant, audacieux et avant-gardiste. Son leadership inspirant est devenu son héritage. Pour moi, il a été mon mentor et mon professeur. Que son souvenir soit toujours une bénédiction. »
Abella était marié à Rosalie Silberman Abella, une ancienne juge de la Cour suprême du Canada, qui a été non seulement la première femme juive mais aussi la première réfugiée à siéger à la Cour suprême du Canada. Ils ont deux fils, Jacob et Zachary.
M. Abella a été fait membre de l’Ordre du Canada en 1993 et membre de l’Ordre de l’Ontario en 2014. Il est également membre de la Société royale du Canada et a reçu la Médaille du jubilé de la reine Elizabeth II en 2002.
Ce reportage de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 4 juillet 2022.