Il faudra des années pour changer la culture militaire, selon le responsable de la réforme
La chef militaire qui dirige la réforme de la culture des Forces armées canadiennes dans le cadre des enquêtes en cours sur les inconduites sexuelles déclare que son équipe travaille sur un calendrier de cinq ans pour obtenir des résultats concrets.
Le Lt.-Gen. Jennie Carignan a déclaré jeudi qu’elle avait plus que jamais l’espoir que les bons dirigeants soient autour de la table pour que le changement se produise.
« L’horizon avec lequel je travaille actuellement est de cinq ans pour avoir institué des changements positifs efficaces et irréversibles, mais nous devons comprendre que la vigilance sur notre culture ne s’arrête jamais », a-t-elle déclaré.
« Au cours de mes 35 années de service, je n’ai jamais vu un tel engagement et une telle implication dans la question du changement de culture comme c’est le cas actuellement. »
Carignan s’exprimait lors d’un briefing technique militaire et donnait un « aperçu de l’approche du ministère en matière de conduite et de changement de culture. »
Certaines des nouvelles initiatives comprennent l’élargissement de la portée des ressources du Centre de réponse aux inconduites sexuelles par la création de sites régionaux à travers le pays, une application mobile qui servira de plateforme en ligne centralisée pour les services de soutien, et un programme visant à fournir des conseils juridiques indépendants aux victimes d’inconduites sexuelles.
Mme Carignan a déclaré que son équipe – qui compte désormais plus de 200 personnes – analyse actuellement la manière de mesurer le succès.
« Le succès ressemblera à des membres de l’équipe de défense qui se sentent psychologiquement en sécurité en se présentant au travail tous les jours… c’est la vision que nous mettons en avant. Nous allons maintenant concevoir un cadre pour mesurer ces progrès, il s’agira d’un mélange de données qualitatives et quantitatives », a-t-elle déclaré.
Le gouvernement libéral a nommé Mme Carignan au poste de chef de la déontologie et de la culture en avril, alors qu’il lançait une autre étude sur l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, dans le but de formuler des recommandations sur la forme que devrait prendre un système de signalement externe.
La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, la sous-ministre de la Défense, Jody Thomas, et le chef d’état-major de la Défense, le général Wayne Eyre, ont présenté lundi des excuses officielles aux victimes d’inconduite sexuelle militaire.
« Je présente mes excuses aux milliers de Canadiens qui ont été blessés parce que votre gouvernement ne vous a pas protégés et n’a pas veillé à ce que les bons systèmes soient en place pour assurer la justice et la responsabilité « , a déclaré Mme Anand.
« Pendant beaucoup trop longtemps, votre gouvernement n’a pas consacré suffisamment de temps, d’argent, de personnel et d’efforts pour faire face au harcèlement sexuel, aux agressions sexuelles et à la discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’orientation sexuelle dans l’armée et le ministère. »
Les excuses sont liées à un accord de règlement d’un procès en recours collectif de 2019 qui compense les membres des FAC et les employés du ministère de la Défense nationale qui ont été victimes d’inconduite sexuelle au travail.
Indépendamment de l’accord, les plaignants dans l’affaire ont demandé à l’époque un du chef d’état-major de la défense ainsi que du sous-ministre de la défense dès que cela est raisonnable, en tenant compte des réalités de la pandémie de COVID-19.
Près de 19.000 demandes ont été soumises.
Mme Carignan s’est dite « touchée » par les excuses et n’avait pas prévu à quel point elles la toucheraient.
« J’avais participé aux préparatifs, à la répétition. J’avais entendu les mots avant, mais lundi, lorsque je me suis assise et que j’ai pris le temps d’entendre les excuses, j’ai été extrêmement touchée par ce qui a été dit », a-t-elle déclaré, ajoutant que dans un contexte plus large, elle considère les excuses comme un petit pas vers le progrès.
Lorsqu’on lui a demandé ce qui la rendait si confiante dans le fait que le changement était désormais possible, Mme Carignan a répondu qu’il y avait un changement de compréhension.
« Ce qui n’était pas évident pour nous collectivement autour de la table est maintenant discuté…. ce qui est une grande différence. Il y a cinq ans, si je demandais autour de la table ce que nous faisons en matière de culture, j’obtenais un silence, et maintenant ce n’est pas du tout le cas », a-t-elle déclaré.
De janvier à l’automne 2022, l’équipe de Mme Carignan se concentre sur des » engagements réparateurs » qui guideront les stratégies de changement de culture. Leur travail se terminera par un rapport final qui, selon l’officier supérieur, complétera les recommandations présentées par Louise Arbour, juge à la retraite de la Cour suprême.