Don Martin : Le pari de Trudeau dans l’enquête sur la loi d’urgence
Il a fait le pari de se présenter. Et il semble avoir gagné dans le tribunal de l’opinion publique raisonnable.
Le premier ministre Justin Trudeau a quitté l’enquête sur la Loi sur l’état d’urgence vendredi sans que son raisonnement pour invoquer des pouvoirs policiers sans précédent contre une menace perçue pour la sécurité due à l’occupation des convois et aux blocages des frontières en février n’ait été sérieusement endommagé.
Pour ceux d’entre nous qui ont été payés pour observer ce premier ministre, il y avait de nombreuses raisons d’être sceptiques quant à sa capacité à survivre longtemps à l’éblouissement d’une attaque juridique sous serment sans avoir recours à sa fixation habituelle de réciter des lignes écrites au lieu de répondre de manière cohérente à des questions importantes.
Mais face à une brochette d’avocats représentant des clients très divergents, Trudeau s’est débarrassé de son téléprompteur interne et a livré une performance étonnamment détendue, réfléchie et confiante.
Ce n’est que l’aspect visuel, bien sûr. La substance de son apparence est évidemment plus importante. Et sur ce point, Trudeau s’en est bien sorti malgré quelques lacunes dans ses réponses.
Il est vrai, a admis M. Trudeau, qu’il a justifié son action en partie par l’anticipation de la violence, qui n’a finalement jamais eu lieu, plutôt que par une menace réelle.
Le premier ministre a également admis que l’occupation ne correspondait pas à la définition de menace pour la sécurité dont l’agence d’espionnage canadienne a besoin pour déclencher des pouvoirs extraordinaires. Mais, Trudeau a insisté sur le fait qu’elle correspondait au seuil gouvernemental pour cette action.
Et Trudeau a concédé que les barrages frontaliers avaient été levés avant même l’entrée en vigueur de la loi sur les situations d’urgence.
Mais lors du contre-interrogatoire, les avocats intervenants n’ont pas réussi à percer des trous importants dans le récit de l’action d’urgence du premier ministre.
L’épreuve de force très attendue de Trudeau avec l’équipe juridique du « Convoi de la liberté » a échoué lorsque son avocat a gaspillé son temps précieux en lisant des messages d’anti-vaxxers dans le dossier, ce qui a préparé Trudeau à une défense éloquente des mandats de vaccination.
Et l’ensemble des avocats représentant la police, les villes, les autorités constitutionnelles et les gouvernements provinciaux ont ralenti la procédure avec des questions fastidieuses au lieu d’insuffler une nouvelle vie au témoignage du grand homme dans les dernières heures de l’enquête.
En fin de compte, Trudeau est apparu comme un premier ministre qui semble avoir fait preuve de diligence raisonnable en recueillant des informations sur la sécurité avant d’être provoqué pour protéger la sécurité publique.
Le témoignage de Trudeau dépeint l’image d’un premier ministre bombardé d’alarmes et d’avertissements sur des problèmes de sécurité potentiels au son des cornes d’avion qui couvraient le centre-ville d’Ottawa et des éditoriaux qui tonnaient contre le piétinement du gouvernement fédéral.
L’introduction de la loi ne semble pas, comme certains (dont moi) le soupçonnaient, avoir été une réaction instinctive d’un cabinet qui n’avait pas envisagé les graves conséquences de son introduction.
Trudeau a fait remarquer qu’il était parfaitement conscient qu’en présentant la loi, il se retrouverait devant une commission d’enquête pour justifier sa décision, comme l’exige la loi d’habilitation.
Loin de précipiter des utilisations fréquentes de la Loi contre des protestations moins importantes, il a fait valoir que le spectacle d’une enquête et l’exposition risquée qu’elle apporte à un premier ministre en exercice est un facteur de peur suffisant pour décourager son utilisation sans une défense solide.
C’est maintenant au juge Paul Rouleau de passer des vacances pleines de maux de tête pour décider si le gouvernement Trudeau a rempli les critères législatifs pour invoquer la Loi sur les urgences.
Armé de preuves que la GRC voulait garder la Loi plus longtemps que les huit jours où elle était en vigueur et d’un directeur du SCRS qui a approuvé avec enthousiasme sa mise en œuvre, Trudeau disposait d’une protection contre toute allégation selon laquelle il aurait agi de façon malhonnête en présentant la Loi avant de prendre la parole.
Mais sa forte performance à l’enquête est un autre tampon contre le fait d’être trouvé personnellement et politiquement imprudent en prenant cette décision.
Pour le public largement désintéressé, qui a vu les manifestations de février se dissoudre en même temps que l’introduction de la Loi sur les mesures d’urgence, la fin aura probablement justifié les moyens, même si Rouleau décide que le gouvernement fédéral n’avait pas l’autorité législative suffisante pour invoquer la Loi.
Dans le tribunal de l’opinion publique, il semble que la prise de position de Trudeau était une stratégie gagnante.
C’est l’essentiel.