Des survivants des pensionnats expliquent ce que les excuses du pape pourraient signifier pour eux.
Rod Alexis, un survivant des pensionnats indiens, se souvient de son défunt père lui disant : « Fils, je ne sais pas comment être un parent. »
« J’ai perdu le cadeau qui nous a été donné par le Créateur parce que j’étais tout seul dans le pensionnat », le membre de la nation sioux Alexis Nakota se souvient des propos de son père, également survivant d’un pensionnat. « Plusieurs fois, je voulais te dire ‘je t’aime’, je voulais te serrer dans mes bras, mais je ne savais pas comment faire ».
La prochaine visite du pape au Canada suscite des sentiments complexes chez de nombreux autochtones. Certains survivants des pensionnats et ceux qui vivent avec le traumatisme intergénérationnel causé par les institutions sont prêts à pardonner à l’Église catholique romaine pour la brutalité qu’elle a infligée aux peuples autochtones.
Pour d’autres, la douleur permanente rend difficile l’abandon de la colère.
« Ils ont tué notre esprit », dit Alexis. « Certaines de ces blessures sont allées trop loin. Nous voyons notre jeune génération aujourd’hui mourir de la drogue, de l’alcool, beaucoup d’entre eux sont en prison à cause des effets du traumatisme qu’ils ont subi. »
Le Canada a forcé environ 150 000 enfants des Premières nations, métis et inuits à fréquenter les pensionnats pendant un siècle, et l’Église catholique a dirigé environ 60 % des institutions. Le dernier pensionnat a fermé en 1996.
Les enfants étaient punis pour avoir parlé leur langue et pratiqué leur culture. Ils ont été séparés de leurs familles et, dans de nombreux cas, ont été soumis à des abus psychologiques, physiques et sexuels.
Le pape François doit atterrir à Edmonton dimanche avant de se rendre à Québec mercredi et à Iqaluit vendredi. On s’attend à ce que le pontife présente des excuses pour le rôle de l’Église catholique dans les pensionnats près du site de l’ancien pensionnat indien Ermineskin dans la communauté de Maskwacis, en Alberta.
Fernie Marty, qui a fréquenté un pensionnat dans le nord-est de l’Alberta, se dit prêt à pardonner.
« J’ai eu l’occasion de commencer mon voyage de guérison personnelle il y a quelques années. Je ne voulais pas porter cette culpabilité, cette honte, ce ressentiment et cette haine dans mon cœur. Je voulais laisser partir tout cela », dit l’aîné de la Première nation de Papaschase, âgé de 73 ans.
Mais beaucoup ne ressentent pas la même chose, dit Marty.
« Il y en a certains dont je ne sais pas ce qu’il faudrait pour qu’ils lâchent les traumatismes qu’ils ont vécus dans leur vie ».
Le chef de la nation crie d’Ermineskin, l’une des quatre communautés qui composent Maskwacis, affirme que des excuses seraient une étape fondamentale vers le pardon.
« Il est temps de devenir inconfortable pour beaucoup de Canadiens moyens », dit le chef Randy Ermineskin.
« Je vais vous dire : mon frère avait 16 ans. Il est rentré à la maison (du pensionnat). La première chose qu’il a faite, c’est de se pendre. Ce sont donc certaines des vérités qui doivent être révélées. »
Ermineskin dit qu’il observera attentivement les visages des gens lorsque les 15 000 personnes attendues écouteront les excuses du Pape.
« C’est un moment où vous allez vous sentir comme si c’était un bon sentiment. Ou, ça pourrait être le contraire. »
Pour beaucoup, pardonner est une étape importante vers la réconciliation, ajoute le grand chef George Arcand Jr de la Confédération des Premières Nations du Traité 6.
« Bien que ces torts ne puissent jamais être effacés, pour oublier, je crois qu’il faut pardonner. »
Mais Arcand dit qu’il a parfois l’impression que les Autochtones sont trop indulgents.
» Nous acceptons le pardon et accueillons les gens chez nous, parce que c’est la façon dont nos parents nous ont appris. Traditionnellement, ces choses se font encore aujourd’hui « , dit-il.
« Mais il doit y avoir une justice.
« Il doit y avoir une possibilité de réparer les torts qui ont été faits. Nous ne voyons cela que comme un premier pas. Ce n’est pas la seule étape. »
Le Programme de soutien en santé – résolution des questions liées aux pensionnats indiens dispose d’une ligne d’assistance téléphonique pour aider les survivants des pensionnats et leurs proches souffrant de traumatismes provoqués par le souvenir d’abus passés. Le numéro est le 1-866-925-4419.
Ce rapport de la Presse canadienne a été publié pour la première fois le 23 juillet 2022.