Archidiocèse de Montréal : des membres du clergé s’immiscent dans des plaintes d’abus, selon l’obudsperson
L’avocate chargée d’enquêter sur les plaintes concernant des membres de l’archidiocèse de Montréal dit qu’elle a été «menacée» par un employé et que son travail a été contrecarré par l’ingérence de membres du clergé, dont un prêtre qui aurait divulgué des informations confidentielles sur des personnes qui se sont plaintes d’abus.
Dans un rapport publié lundi, Marie Christine Kirouack a documenté ce qu’elle a qualifié de « graves » manquements à la confidentialité auxquels elle a été confrontée dans le cadre de son travail de médiatrice de l’archidiocèse.
Dans un cas particulier, elle a déclaré qu’un audit interne avait révélé qu’un prêtre « de haut rang » divulguait des informations sur huit dossiers différents liés à des abus sexuels et psychologiques par e-mail en utilisant la fonction de copie carbone invisible (Cci). Les e-mails, selon le rapport, comprenaient les noms des plaignants, les autres prêtres qui faisaient l’objet des plaintes, les échanges avec un cabinet d’enquête externe, et même certains des e-mails du médiateur.
« J’étais consterné », a déclaré Kirouack lors d’une interview lundi, ajoutant qu’un tel comportement brise la confiance que les plaignants placent dans son bureau.
« Ils peuvent alors subir des pressions potentielles de la part de certaines personnes pour qu’ils retirent leur plainte, ou peut-être simplement changer leurs histoires, ou devenir volontairement très oublieux avec une enquête … donc tout est en place pour protéger les plaignants. »
Il a fallu trois mois pour que le prêtre soit renvoyé. Pendant ce laps de temps, Kirouack a appris que dans un cas, le même prêtre avait dit à une plaignante de ne pas porter plainte auprès d’elle dans un « dossier de violence psychologique majeure », et dans un autre cas, il avait dit à une plaignante qu’il s’occuperait de le dossier personnellement, ce qui est une violation du propre protocole de traitement des plaintes de l’archidiocèse.
En novembre dernier, l’ancienne juge de la Cour supérieure Pepita G. Capriolo a publié un rapport qui critiquait durement la façon dont l’archidiocèse avait traité le cas de l’ancien Brian Boucher, condamné à huit ans de prison en 2019 pour avoir agressé sexuellement deux mineurs.
L’une des recommandations du rapport comprenait la création d’un tout premier médiateur indépendant pour traiter les plaintes d’abus. Kirouack, avocat montréalais, .
La chancellerie de l’archidiocèse de Montréal est vue le lundi 15 février 2021 à Montréal. L’archidiocèse lance une initiative pour enquêter en profondeur sur les abus sexuels dans ses rangs.LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz
Dans son cinquième rapport depuis sa prise de fonction, elle a décrit comment une archiviste travaillant à la recherche d’anciens dossiers a été menacée de licenciement pour avoir demandé une augmentation compte tenu de la lourde charge de travail et comment elle-même a été menacée. Le rapport couvre les événements qui se sont déroulés du 1er août au 1er octobre de cette année, ainsi que les plaintes reçues depuis qu’elle a commencé son nouveau rôle.
Après que son propre accès informatique aux « fichiers fondamentaux » ait été révoqué, Kirouack a déclaré qu’elle avait écrit dans un e-mail de masse que personne n’avait le droit de bloquer son accès au système de fichiers informatiques de l’archidiocèse, qui ne convenait pas à un employé en particulier. L’employée a porté plainte contre elle au Barreau du Québec.
Elle a répondu en disant à un responsable de l’église : « Je ne serais pas menacée dans mes fonctions », indique le rapport.
« Est-ce parce que quelqu’un veut que je démissionne ? J’ai déjà clairement dit que je ne le ferai pas », a-t-elle déclaré à actualitescanada.
« J’ai un travail à faire, et je dois aux victimes de rester essentiellement là-bas et de continuer à faire mon travail, et de continuer à pousser et je continuerai à pousser et à rester là-bas. »
Lorsqu’on lui a demandé de commenter le rapport, la porte-parole de l’archidiocèse, Erika Jacinto, a écrit dans un courriel à CTV que « l’archidiocèse ne commente pas pour s’assurer que nous respectons son indépendance ».
Normalement, un rapport trimestriel accorderait une grande importance aux statistiques, telles que le nombre de plaintes reçues, mais la médiatrice a déclaré que ce qui la remarquait était les « échecs » et les « retards incompréhensibles » dans le processus de plainte.
Alors que certains cas sont traités dans des délais appropriés, d’autres, notamment les dossiers plus anciens liés aux plaintes, causent de sérieux « goulots d’étranglement ».
« Si, dans mon rapport précédent, j’ai mentionné que le système de plaintes fonctionnait mieux, malheureusement, je dois dire que ce n’est plus le cas », a écrit Kirouack dans son rapport de 27 pages.
« Ces retards importants inquiètent et déstabilisent nos plaignants et remettent en cause leur confiance dans le système de plaintes. Il est donc de mon devoir de souligner dans ce rapport les mauvaises manipulations et les retards qui s’accumulent. »
Dans deux dossiers, les recommandations de suspension de mai et juin 2022 pour les membres de l’archidiocèse n’ont pas encore été suivies d’effet, selon le rapport.
Depuis qu’elle a pris ses fonctions, la médiatrice a reçu un total de 188 plaintes. Parmi celles-ci, 64 étaient des plaintes d’abus qui ont été envoyées à Mgr Christian Lépine, dont 41 (64%) liées à des allégations d’abus sexuels.
Kirouack a également reçu le mandat d’enquêter sur les anciennes plaintes pour voir s’il y avait des faux pas. Au cours de cet examen, elle a envoyé 14 plaintes à un nouveau comité consultatif pour déterminer les prochaines étapes, toutes pour abus sexuels.
Avec des fichiers de La Presse Canadienne