Les conservateurs sont invités à reconsidérer le compromis sur les documents concernant les scientifiques licenciés.
OTTAWA — Le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Mark Holland, exhorte les conservateurs à reconsidérer leur rejet d’une proposition de compromis qui permettrait aux députés de voir enfin des documents non censurés liés au licenciement de deux scientifiques du laboratoire de haute sécurité du Canada.
Dans une lettre adressée mardi à son homologue conservateur, Gerard Deltell, M. Holland réitère sa proposition de permettre à un comité spécial, composé de représentants de tous les partis et bénéficiant d’une habilitation de sécurité, d’examiner tous les documents, avec l’aide de trois anciens juges de haut rang qui décideraient si ou comment tout document contesté peut être rendu public sans compromettre la sécurité nationale.
Il cite des articles de plusieurs experts qui ont récemment soutenu l’affirmation du gouvernement selon laquelle la sécurité nationale du Canada serait compromise si l’on accédait à la demande des partis d’opposition de remettre les documents à un comité ordinaire de députés.
En vertu d’un ordre de la Chambre des communes adopté par les partis d’opposition au printemps dernier, malgré les objections du gouvernement libéral minoritaire, les documents seraient examinés par le légiste du Parlement afin de déterminer s’ils présentent des risques pour la sécurité nationale, mais les membres du comité conserveraient le droit de publier les documents de leur choix.
Dans sa lettre, Holland exhorte Deltell à lire un article récent du Globe and Mail rédigé par Michael Kergin, ancien ambassadeur aux États-Unis, et deux anciens hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé, Greg Fyffe et Jim Mitchell.
Dans ce document, le trio soutient que la prolongation de la dispute sur les documents « pourrait être préjudiciable aux agences de renseignement et de sécurité du Canada ».
Ils ont écrit que la divulgation d’informations apparemment inoffensives pourrait en fait finir par « démasquer » des sources étrangères et pourrait être « un cadeau pour des puissances de renseignement hostiles ». Cela pourrait également dissuader les sources potentielles de partager des informations de peur d’être identifiées.
De plus, si le gouvernement devait perdre le contrôle de la divulgation d’informations sensibles, le trio a fait valoir que cela violerait les obligations du Canada envers ses partenaires du renseignement « Five Eyes », avec lesquels les informations sensibles sont partagées dans des conditions de stricte confidentialité.
Les relations du Canada avec les États-Unis en matière de renseignement, en particulier, « seraient également gravement compromises par toute perte de confiance dans la capacité du gouvernement à protéger ses informations sensibles », ont-ils écrit.
Holland note dans sa lettre que les trois experts ont soutenu sa proposition de compromis, qu’il qualifie de raisonnable et responsable.
« Il reconnaît votre demande juste et équitable de pouvoir voir tous les documents non censurés et reconnaît le pouvoir de la Chambre de commander de tels documents. Notre proposition fait cela sans mettre en danger notre sécurité nationale, » dit Holland.
Il cite un autre article récent rédigé par des experts en sécurité nationale, Leah West et Stephanie Carvin de l’Université Carleton et Thomas Juneau de l’Université d’Ottawa, dans lequel les universitaires soutiennent que tous les partis doivent s’entendre sur un processus permettant au Parlement d’examiner les documents classifiés.
Les conservateurs n’ont pas répondu immédiatement à une demande de commentaire sur la lettre de Holland.
Les conservateurs ont catégoriquement rejeté la proposition de compromis de M. Holland dans le passé, mais le Bloc Québécois et le NPD ne l’ont pas catégoriquement exclue. Dans une interview, Holland a dit que le Bloc et le NPD sont toujours « en train de l’étudier ».
Les partis d’opposition estiment que les documents feront la lumière sur les raisons pour lesquelles les scientifiques Xiangguo Qiu et son mari, Keding Cheng, ont été escortés hors du Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg en juillet 2019, puis licenciés en janvier dernier.
Juste avant Noël, le chef conservateur Erin O’Toole a annoncé qu’il ne nommerait aucun député conservateur au comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, connu sous le nom de NSICOP, tant que les documents ne seront pas retirés.
Dans sa lettre, Holland exhorte les conservateurs à reconsidérer également cette décision, en faisant valoir que le NSICOP a été « un modèle de collaboration » où « les intérêts partisans ne sont pas placés devant la sécurité nationale ».
Le NSICOP a été créé en 2017 spécifiquement pour permettre aux députés d’examiner des questions sensibles. Il soumet des rapports classifiés au Premier ministre, qui sont ensuite déposés au Parlement sous forme éditée. Ses membres doivent avoir une habilitation de sécurité de haut niveau et sont tenus au secret.
« Ne pas participer à ce mécanisme de contrôle essentiel revient à affaiblir sa fonction essentielle », écrit Holland.
Ce rapport de la Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 18 janvier 2022.