Une répression nationale des armes de poing est nécessaire: les défenseurs
D’éminents défenseurs du contrôle des armes à feu exhortent le gouvernement libéral à abandonner ses plans visant à permettre aux provinces d’interdire les armes de poing, affirmant que les mesures régionales entraîneront un patchwork désastreux à travers le Canada.
Dans une nouvelle lettre adressée au ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, plusieurs groupes de premier plan appellent plutôt à des mesures nationales pour éliminer progressivement la possession privée d’armes de poing.
« Avec cet objectif politique à l’esprit, nous pensons que décharger la responsabilité d’interdire les armes de poing aux provinces serait un désastre : politiquement, juridiquement et surtout, en termes de sécurité publique », indique la lettre envoyée mercredi à Mendicino.
« Nous ne connaissons aucune organisation d’intérêt public qui soutienne cette politique et rien ne prouve que les interdictions régionales soient efficaces. »
Le plaidoyer fait suite à une promesse faite cette semaine par le chef libéral de l’Ontario, Steven Del Duca, d’interdire les armes de poing dans toute la province s’il devenait premier ministre après les élections prévues en juin.
La lettre du 20 avril a été signée par des représentants d’organisations, dont la Coalition pour le contrôle des armes à feu, PolySeSouvient, l’Association nationale de la femme et du droit, Danforth Families for Safe Communities, l’Association canadienne des médecins d’urgence et la mosquée de Québec où six personnes ont été tué.
Dans l’ensemble, les signataires réclament une législation « qui fera enfin avancer la barre à un point où il sera extrêmement difficile, voire politiquement impossible, de revenir en arrière dans la direction opposée ».
« Plutôt que de répondre aux besoins de la minorité vocale et d’ignorer les preuves des experts en prévention de la violence et des blessures, il est temps que votre gouvernement mette en place le type de contrôle des armes à feu que la majorité de vos partisans et la majorité des Canadiens souhaitent, et qu’il donne enfin aux victimes de la violence armée une fermeture. »
Le bureau de Mendicino n’a fait aucun commentaire immédiat sur la lettre.
Le ministre a déclaré au début du mois dernier qu’il présenterait bientôt une législation « très proactive » sur les armes à feu à la suite de l’échec d’un effort antérieur, connu sous le nom de projet de loi C-21, lors du déclenchement des élections générales de l’été dernier.
Les libéraux ont promis un rachat obligatoire des armes à feu interdites qu’ils considèrent comme des armes d’assaut, une répression des chargeurs d’armes à feu de grande capacité et de nouveaux efforts pour lutter contre la contrebande d’armes à feu.
Le rachat prévu obligerait les propriétaires d’une grande variété d’armes à feu interdites, y compris le Ruger Mini-14 utilisé lors de la fusillade de l’École polytechnique de 1989, à les revendre au gouvernement ou à les rendre inutilisables aux frais du gouvernement fédéral.
La proposition a remporté les applaudissements des défenseurs du contrôle des armes à feu, mais la désapprobation inébranlable de certains propriétaires d’armes à feu et de députés conservateurs.
Les libéraux se sont également engagés à travailler avec toute province ou tout territoire qui souhaite interdire les armes de poing, affectant au moins 1 milliard de dollars à cet effort.
Dans leur lettre, les groupes affirment qu’il y a peu de preuves suggérant que le fait de confier aux provinces la responsabilité d’interdire la vente, l’importation ou la possession d’armes de poing aurait un effet, étant donné que les armes à feu circulent de juridictions non réglementées vers des juridictions réglementées.
« Conférer aux provinces le pouvoir d’interdire les armes de poing entraînera des débats sans fin, des contestations judiciaires et l’inévitable échec de toute mosaïque de lois adoptées, le cas échéant. »
L’adoption d’une politique basée sur des accords provinciaux entacherait également politiquement la question des armes de poing et entraverait tout progrès réel sur les armes de poing pendant des décennies, ajoutent les groupes.
« Il est vrai que les armes de poing importées illégalement font partie du problème, mais il n’en reste pas moins que le nombre de permis d’armes à feu à autorisation restreinte a augmenté, tout comme les blessures, les homicides et les crimes liés aux armes à feu au Canada », indique la lettre.
Les groupes préconisent de plafonner le nombre de permis d’armes à feu avec des privilèges restreints au niveau actuel et de conserver les armes de poing existantes.
« À tout le moins, nous nous attendons à ce que le gouvernement interdise l’importation et la fabrication de nouvelles armes de poing.
La lettre exhorte Mendicino à rejeter de nombreux autres éléments du projet de loi C-21, y compris une disposition dite du drapeau rouge qui permettrait à une personne en danger de demander à un tribunal une ordonnance pour retirer les armes à feu d’un harceleur ou d’un agresseur.
« Une telle option va à l’encontre du principe âprement combattu de retirer toute responsabilité à une victime en ce qui concerne les décisions d’inculper un agresseur, car cela peut mettre davantage la victime en danger », indique la lettre. « En effet, il est irréaliste de s’attendre à ce que les victimes aient les moyens et le courage d’aller en justice alors qu’elles sont confrontées aux défis d’échapper aux abus, de s’occuper des enfants et de vivre un semblant de vie normale. »
La loi actuelle donne une grande latitude et autorité aux préposés aux armes à feu pour refuser un permis à toute personne qui constitue une menace pour elle-même ou pour toute autre personne, et pour retirer les armes à feu lorsque des risques sont identifiés, soutiennent les groupes.
« Malheureusement, ce que trop d’incidents et d’enquêtes ont démontré, c’est que le Canada a échoué dans la mise en place des outils législatifs qui sont déjà à sa disposition. »
Les groupes de contrôle des armes à feu saluent le rachat de quelque 1 500 modèles d’armes à feu que le gouvernement a interdits en 2020 par décret en conseil au motif qu’ils n’ont pas leur place dans la chasse ou le tir sportif.
Cependant, certains modèles similaires restent légaux alors que les fabricants canadiens ont réussi à contourner les règles en introduisant de nouvelles armes à feu, indique la lettre.
Les groupes préconisent donc des changements « permanents » au système de classification des armes à feu qui modifieraient la définition des armes prohibées dans le Code criminel.
Ce rapport de La Presse canadienne a été publié pour la première fois le 21 avril 2022.