Un vétéran canadien aide un interprète afghan et sa famille à échapper au régime taliban
Ce jour du Souvenir, le premier depuis que l’Afghanistan est tombé aux mains des forces talibanes cet été, sera difficile pour les Canadiens qui ont combattu dans ce pays du Moyen-Orient, selon un ancien combattant qui y a effectué deux missions.
Stephen Peddle, un major à la retraite des Forces canadiennes, s’est efforcé de mettre en sécurité certaines familles d’interprètes afghans.
« L’Afghanistan et les talibans disposent d’un brillant réseau de renseignements. Ils savent qui a aidé l’OTAN et ils savent qui a aidé les Canadiens et les Américains », dit Peddle.
« Leur liste de cibles est très réelle, et ils ont une façon très astucieuse de retrouver les personnes qui se sont battues contre eux pendant toutes ces années ».
En août, les talibans ont envahi la capitale Kaboul et pris le contrôle de l’Afghanistan. À la fin du mois, les États-Unis et leurs alliés occidentaux se sont retirés du pays.
Les troupes ont passé deux semaines éprouvantes à protéger le transport aérien de dizaines de milliers d’Américains, de Canadiens, d’Afghans et d’autres personnes qui tentaient de s’échapper.
Albert, en Alberta, au nord-ouest d’Edmonton, dit qu’il savait que les familles des personnes avec lesquelles il travaillait en Afghanistan étaient en danger et qu’il a senti qu’il devait les aider à s’échapper.
L’homme de 47 ans a travaillé dans le renseignement pour l’armée canadienne et a été déployé en Afghanistan en 2007 et en 2012.
Lors de sa première mission, il a été intégré à des soldats afghans pendant six mois. Il s’est lié d’amitié avec son interprète, Sangeen Abdul Mateen, qui avait une vingtaine d’années à l’époque.
Peddle a pu aider Mateen à immigrer au Canada en 2012. L’homme aujourd’hui âgé de 34 ans vit dans la région de Toronto avec sa femme et ses quatre enfants. Il a étudié pour devenir électricien et a créé sa propre entreprise.
Mais de nombreux membres de la famille de Mateen sont restés en Afghanistan, notamment son père, qui était un officier militaire de haut niveau.
Mateen dit qu’il a commencé à s’inquiéter pour leur vie quand il y a eu des signes que les Talibans allaient prendre le contrôle de Kaboul.
Il dit que les Talibans coupaient les réseaux de télécommunication à certaines heures de la journée, et qu’il a passé des semaines à rester debout toute la nuit pour pouvoir parler à sa famille et coordonner sa fuite vers le Canada.
« Parfois, au milieu de la nuit, à 2 ou 3 heures du matin, je n’avais qu’à envoyer un e-mail à Stephen et il me répondait dans la minute », raconte Mateen.
« Je pensais que j’étais le seul à rester éveillé toute la nuit en m’inquiétant pour ma famille, mais ce n’était pas le cas. »
Mateen dit que d’autres anciens combattants l’ont également aidé et qu’il a retrouvé 12 des membres de sa famille, y compris ses parents, après presque une décennie.
« Les mots ne peuvent pas expliquer à quel point j’étais heureux. »
Son plus jeune frère a pu fuir dans un pays voisin avec sa femme et ses enfants. Mateen et Peddle essaient de le faire passer au Canada également.
Peddle dit que de nombreux anciens combattants pensent que des Afghans comme Mateen devraient aussi être commémorés pour leur contribution à la guerre.
« Ce sont de bonnes personnes, qui ont mis leur vie en danger lorsque nous étions là-bas dans leur pays, et qui ont pris grand soin des soldats canadiens, des ONG et de toute autre personne là-bas qui essayait de les aider à assurer un avenir à l’Afghanistan. »
Peddle affirme que la prise de pouvoir par les talibans n’est pas seulement difficile pour les réfugiés afghans, mais aussi pour les soldats canadiens qui ont risqué leur vie dans cette guerre de 13 ans.
« En tant qu’ancien combattant afghan, chaque jour du Souvenir revêt une signification particulière parce qu’il y a des gens qui m’étaient proches et qui ne sont plus sur cette Terre parce qu’ils sont allés en Afghanistan « , dit M. Peddle.
« En voyant ce qui s’est passé l’année dernière, j’ai l’impression de faire trois pas en arrière. Nous avons fait de grands sacrifices pendant plus de dix ans dans les opérations de combat, et voir le pays échouer n’est pas une pilule facile à avaler en tant qu’ancien combattant. »
Pour rester positif, Peddle s’est associé à l’Ordre de Saint-Georges, qui a lancé une campagne avec la True Patriot Love Foundation de Toronto afin de recueillir des fonds pour aider à réinstaller les interprètes afghans et à soutenir la santé mentale des anciens combattants.
Allan Plett, chevalier commandeur et prieur du prieuré Cascadia de l’Ordre de Saint-Georges, dit qu’il va faire chevalier Peddle lors d’une cérémonie à Burnaby, en Colombie-Britannique, ce week-end.
« Il est très honorable et les principes chevaleresques de charité, de service et de courage – il les respecte et les dépasse. »
Ce reportage de la Presse canadienne a été publié pour la première fois le 11 novembre 2021.