L’ancien juge québécois Jacques Delisle ne subira pas de nouveau procès pour meurtre, il reste libre
Un ancien juge québécois dont la condamnation en 2012 pour avoir tiré mortellement sur sa femme a été annulée l’an dernier par le ministre fédéral de la Justice ne subira pas de nouveau procès, a décidé vendredi la Cour supérieure du Québec. [Jacques Delisle, 86 ans, a vu sa demande d’arrêt des procédures acceptée par le juge Jean-François Emond de la Cour supérieure du Québec. [Les avocats de Jacques Delisle ont fait valoir en novembre dernier qu’un expert de la Couronne avait commis de graves erreurs dans le rapport initial de pathologie, ce qui rendrait impossible un nouveau procès. Ils ont également déclaré qu’il y avait eu des retards déraisonnables dans l’affaire.
Après le jugement, M. Delisle a quitté le palais de justice de Québec en compagnie de sa famille et sans faire de commentaires sur la décision. Son avocat, Maxime Roy, a déclaré aux journalistes que son client était soulagé, ajoutant que la chose la plus importante est que Delisle est maintenant un homme libre.
« Les procédures sont terminées pour lui, c’est ce qui compte », a déclaré Me Roy. « A 86 ans, après plus de 10 ans, il fallait que ça se termine ».
Ancien juge de la Cour d’appel du Québec, Delisle a été reconnu coupable de meurtre au premier degré dans la mort de sa femme, Marie Nicole Rainville, et a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Son appel a été rejeté en 2013, et la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre sa cause.
Delisle, qui a passé neuf ans en prison, a toujours clamé son innocence et affirmé que sa femme s’était suicidée. [La Couronne avait soutenu que Delisle avait tué sa femme pour éviter un divorce coûteux et qu’il voulait emménager avec son ancienne secrétaire, avec qui il avait une liaison.
Une partie importante de l’affaire tournait autour de l’angle d’entrée de la balle, qui pouvait confirmer ou inférer un suicide. Des questions sur la fiabilité de cette preuve ont permis d’ordonner un nouveau procès. [Heureusement, certains éléments qui avaient été conservés ont permis de démontrer que (l’expert) n’avait pas évalué correctement la direction du projectile dans le cerveau de Mme Rainville, ce qui changeait tout entre la théorie, était-ce un meurtre ou un suicide ? » a déclaré Roy à l’extérieur du tribunal. [Il a noté que cette information, si elle avait été présentée au jury lors du procès initial, aurait pu produire un verdict différent. [Pendant l’autopsie, un pathologiste n’a pas documenté ou photographié le cerveau ou pris des échantillons qui auraient montré des traces du projectile. Cela a rendu impossible pour les experts de la défense ou de la Couronne de faire leur propre analyse, a dit M. Roy.
M. Roy a déclaré que le message envoyé par la cour vendredi est que lorsque des experts sont chargés de se prononcer sur une affaire, ils doivent préserver les preuves, en particulier pour des infractions aussi graves qu’un meurtre.
M. Delisle a soutenu qu’il a trouvé sa femme morte lorsqu’il est entré dans le condo qu’ils partageaient à Québec le 12 novembre 2009. Elle était couchée sur un sofa, un pistolet de calibre 22 à ses côtés et une blessure par balle à la tête. Il a appelé le 911, disant à l’opérateur que sa femme s’était suicidée.
Rainville avait été paralysée d’un côté par un accident vasculaire cérébral en 2007 et se remettait d’une fracture de la hanche subie quelques mois avant sa mort. Selon la version des événements de M. Delisle, sa femme était déprimée et s’est suicidée en utilisant l’arme à feu qui a été trouvée près de son corps
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L’ancien juge n’a pas témoigné à son procès, mais en 2015, il a admis dans une interview à Radio-Canada qu’il avait aidé sa femme à se suicider en laissant un pistolet chargé dans la maison. [En avril 2021, le ministre fédéral de la Justice David Lametti a ordonné la tenue d’un nouveau procès pour l’ex-juge après avoir conclu qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite dans cette affaire, après avoir examiné des éléments de preuve qui n’étaient pas devant les tribunaux au moment du procès ou de l’appel de Delisle.
Delisle a été libéré sous caution de 100 000 dollars en avril dernier après la décision de Lametti.
La Couronne a déclaré qu’elle étudierait le jugement de vendredi avant de décider d’interjeter appel.
– Ce reportage de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 8 avril 2022.