La police ougandaise tue 5 personnes, dont un religieux, après des attentats à la bombe
KAMPALA, OUGANDA — Les autorités ougandaises ont tué au moins cinq personnes, dont un religieux musulman, accusées d’avoir des liens avec le groupe extrémiste responsable des attentats suicides de mardi dans la capitale, a annoncé la police jeudi.
Quatre hommes ont été tués lors d’une fusillade dans une ville frontalière près de la frontière occidentale avec le Congo alors qu’ils tentaient de repasser en Ouganda. Un cinquième homme, un religieux du nom de Muhammad Kirevu, a été tué lors d’une « confrontation violente » lorsque les forces de sécurité ont fait une descente à son domicile à l’extérieur de Kampala, a déclaré le porte-parole de la police, Fred Enanga.
Un deuxième ecclésiastique, Suleiman Nsubuga, fait l’objet d’une chasse à l’homme, a-t-il ajouté, accusant les deux ecclésiastiques de radicaliser de jeunes musulmans et de les encourager à rejoindre des cellules clandestines pour mener des attaques violentes.
Les raids de la police interviennent après les explosions de mardi, au cours desquelles au moins quatre civils ont été tués lorsque des kamikazes ont déclenché leurs explosifs à deux endroits de Kampala. L’une des attaques a eu lieu près du bâtiment du Parlement et la seconde près d’un poste de police très fréquenté. Ces attaques ont provoqué le chaos et la confusion dans la ville et ont suscité l’inquiétude de la communauté internationale.
Un total de 21 suspects ayant des liens présumés avec les auteurs des attaques sont en détention, a déclaré Enanga.
Le groupe État islamique a revendiqué les explosions de mardi, affirmant qu’elles ont été perpétrées par des Ougandais. Les autorités ougandaises ont imputé les attaques aux Forces démocratiques alliées, ou ADF, un groupe extrémiste allié à l’EI depuis 2019.
Le président Yoweri Museveni a identifié les kamikazes présumés dans une déclaration dans laquelle il a averti que les forces de sécurité « venaient pour » les membres présumés des ADF.
Alors que les autorités ougandaises sont sous pression pour montrer qu’elles contrôlent la situation, les meurtres de suspects font craindre une répression violente dont des innocents seraient les victimes.
Malgré l’horreur des attentats à la bombe, « il reste essentiel de veiller à ce qu’aucune attaque terroriste ne se traduise par un blanc-seing pour violer les droits de l’homme sous prétexte de combattre la terreur », a déclaré Maria Burnett, avocate spécialisée dans les droits de l’homme au Center for Strategic & ; International Studies.
« Dans toute l’Afrique de l’Est, le terrorisme a parfois servi de prétexte pour piéger des opposants politiques, des acteurs civiques et même des réfugiés en quête de protection », a-t-elle ajouté. « De telles actions risquent de radicaliser les personnes qui soutiennent les acteurs non étatiques et offrent à ces derniers un outil de propagande facile. »
Human Rights Watch a précédemment documenté des cas dans lesquels les services de sécurité ougandais auraient torturé des suspects des ADF et les auraient détenus sans procès pendant de longues périodes.
Les ADF s’opposent depuis des années au long règne de Museveni, un allié sécuritaire des États-Unis qui a été le premier dirigeant africain à déployer des soldats de la paix en Somalie pour protéger le gouvernement fédéral contre le groupe extrémiste al-Shabab. En représailles au déploiement de troupes ougandaises en Somalie, ce groupe a mené des attaques en 2010 qui ont tué au moins 70 personnes qui s’étaient rassemblées dans des lieux publics à Kampala pour regarder un match de la Coupe du monde de football.
Mais les ADF, avec leurs racines locales, sont devenus un défi plus pressant pour Museveni, 77 ans, qui dirige l’Ouganda depuis 35 ans et a été réélu pour un mandat de cinq ans en janvier.
Le groupe a été créé au début des années 1990 par certains musulmans ougandais qui estimaient avoir été mis à l’écart par les politiques de Museveni. À l’époque, le groupe rebelle a mené des attaques meurtrières dans des villages ougandais ainsi que dans la capitale, notamment une attaque en 1998 au cours de laquelle 80 étudiants ont été massacrés dans une ville proche de la frontière congolaise.
Un assaut militaire ougandais a ensuite forcé les rebelles à se réfugier dans l’est du Congo, où de nombreux groupes rebelles peuvent se déplacer librement car le gouvernement central y exerce un contrôle limité.