GRC : Certains conseils financiers ne font pas l’objet d’une enquête en raison du manque de ressources policières
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) affirme que de nombreux renseignements fournis par l’agence canadienne de renseignements financiers concernant des crimes possibles « pourraient ne pas faire l’objet d’une enquête » en raison d’un manque de ressources policières et de priorités contradictoires.
La Gendarmerie royale du Canada fait cet aveu candide dans une note d’information préparée pour le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino sur la relation de travail entre la police nationale et le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, connu sous le nom de Fintrac.
La Presse Canadienne a utilisé la loi sur l’accès à l’information pour obtenir la note d’information, qui a été approuvée par la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, le 1er septembre dernier.
La GRC reçoit des renseignements financiers de Fintrac, qui pourraient faire la lumière sur le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme, de deux façons.
La première est par le biais d’une réponse à une fiche d’information volontaire, qui informe Fintrac d’une activité criminelle potentielle et peut inciter le centre à divulguer des informations sur des suspects.
La seconde est une divulgation proactive par Fintrac lorsqu’elle signale une activité criminelle potentielle à partir de l’analyse des informations que le centre reçoit des banques, des casinos et des organismes de déclaration.
La note d’information de la GRC indique que l’analyse de Fintrac revêt une « importance tactique significative » pour la force, car elle peut mettre au jour des conspirateurs, des actifs, des transferts et des relations inconnus jusqu’alors.
« Dans certains dossiers, les biens ne peuvent être identifiés que grâce aux renseignements de Fintrac, ce qui est essentiel pour que la GRC obtienne des restrictions et des confiscations », poursuit la note.
Toutefois, l’obtention de renseignements par le biais de dossiers d’information volontaires, ou DIV, « peut être un long processus », précise la note.
Le délai d’exécution de Fintrac pour produire une divulgation financière non urgente peut prendre plusieurs mois, « ce qui affecte la capacité d’enquêter en temps opportun » et peut entraver les enquêtes.
« Un grand nombre des divulgations proactives fournies peuvent ne pas faire l’objet d’une enquête en raison de la capacité des forces de l’ordre à analyser les informations en temps voulu, ainsi que des priorités opérationnelles conflictuelles », ajoute la note d’information.
« Fintrac devrait donner la priorité à la divulgation de renseignements basés sur les VIR fournis par les forces de l’ordre avant tout travail proactif. »
Interrogé sur la note, Fintrac a déclaré que ses divulgations proactives aux organismes d’application de la loi et de sécurité nationale sont essentielles pour aider à protéger les Canadiens vulnérables, remplir le mandat de « détection » du centre et respecter les obligations internationales.
Il a cité le Projet Protect, un partenariat public-privé de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle, dans le cadre duquel 90 % des communications du centre aux organismes d’application de la loi ont été faites de manière proactive, » identifiant des criminels et des réseaux criminels qui étaient auparavant inconnus et contribuant à sauver la vie de nombreuses victimes dans tout le pays « .
Dans l’ensemble, les renseignements financiers de Fintrac ont contribué à 335 enquêtes majeures et exigeantes en ressources en 2021-22, ainsi qu’à des centaines d’autres enquêtes individuelles aux niveaux municipal, provincial et fédéral, a déclaré le centre.
« De nombreux destinataires des divulgations de Fintrac ont dit au centre qu’ils ne commenceront pas une enquête majeure au niveau d’un projet sans solliciter ses renseignements financiers. »
L’ajout de près de 90 millions de dollars dans le dernier budget fédéral aide Fintrac à mettre à niveau ses outils pour que ses renseignements financiers « soient encore plus opportuns et réactifs », ajoute le centre.
Le bureau de Mendicino a refusé de commenter la note d’information.
Robin Percival, porte-parole de la GRC, n’avait pas grand-chose à ajouter, affirmant que le partenariat de la force avec Fintrac est essentiel à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
« La GRC continue de collaborer avec Fintrac dans le cadre d’enquêtes et d’efforts proactifs de prévention du crime. »
La note de la GRC suggère au gouvernement d’envisager d’élargir la portée de la législation fédérale sur les produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin d’y inclure d’autres infractions criminelles, car l' » orientation étroite actuelle » limite l’analyse de Fintrac.
Selon M. Percival, les changements aux pratiques de partage de l’information entre la GRC et ses partenaires nécessitent des modifications législatives, ce qui prend du temps.
« La GRC continue de travailler en étroite collaboration avec le ministère des Finances et de la Sécurité publique, en fournissant des recommandations sur les améliorations possibles du régime de lutte contre le blanchiment d’argent. »
Ce rapport de la Presse canadienne a été publié pour la première fois le 10 janvier 2023.