Dans les coulisses du retrait du monument commémoratif des pensionnats indiens de la colline du Parlement
OTTAWA — Selon des documents récemment publiés, le gouvernement fédéral espérait à l’origine retirer de la colline du Parlement un monument commémoratif dédié aux enfants autochtones morts ou disparus dans les pensionnats indiens plusieurs mois avant la date prévue l’an dernier.
Des centaines de petites chaussures, d’animaux en peluche et de fleurs ont commencé à apparaître autour de la flamme du centenaire devant l’édifice du Centre du Parlement au printemps dernier, après que la nation Tk’emlúps te Secwépemc a annoncé qu’un radar pénétrant dans le sol avait trouvé les restes possibles d’environ 200 enfants sur le site d’un ancien pensionnat près de Kamloops, en Colombie-Britannique.
Le mémorial de la colline du Parlement est l’un des nombreux monuments qui ont été érigés à travers le pays lorsque les Canadiens ont été confrontés aux horreurs auxquelles les enfants indigènes ont été confrontés lorsqu’ils ont été retirés de leur famille et forcés de fréquenter ces institutions pendant plus d’un siècle.
Il est devenu un lieu où les aînés autochtones et les touristes se tenaient en silence.
Selon les documents, les fonctionnaires du ministère des Relations Couronne-Indigène et des Affaires du Nord voulaient initialement organiser une cérémonie pour retirer l’exposition l’été dernier, avant la campagne électorale très attendue.
Ils ont également recommandé aux ministères de créer un plan pour traiter des monuments commémoratifs similaires à l’avenir.
« L’enlèvement est recommandé, d’abord et avant tout, afin d’assurer la préservation de ces articles », peut-on lire dans une note de service préparée pour le sous-ministre du ministère et communiquée à la Presse canadienne en vertu de la législation fédérale sur l’accès à l’information.
« De plus, un mémorial ne peut pas rester à son emplacement actuel étant donné la nécessité d’un entretien régulier de la Flamme du centenaire pour des questions de santé et de sécurité. »
Le document indique que les responsables ont consulté la nation algonquine Anishinabeg, dont le territoire traditionnel comprend Ottawa, et des organisations autochtones nationales sur la façon de procéder. Tous ont convenu que le mémorial devait être retiré avec respect.
L’option préférée parmi les trois présentées était d’organiser une cérémonie la semaine précédant le 15 août. Comme les responsables l’avaient prévu, c’est ce jour-là que le premier ministre Justin Trudeau a demandé à la gouverneure générale de dissoudre le Parlement, déclenchant ainsi les élections qui ont eu lieu le 21 septembre.
« L’événement devrait avoir lieu la semaine du 8 août afin d’inclure la participation et l’approbation des ministres, car on s’attend à ce que le gouvernement du Canada entre en période d’assignation la semaine du 15 août « , peut-on lire dans le document.
Les responsables ont dit qu’ils envisageaient que la Nation algonquine Anishinabeg dirige la cérémonie « en collaboration avec le gouvernement du Canada », et qu’une consultation serait nécessaire pour déterminer le rôle que les dirigeants du ministère pourraient jouer.
Le document indique que les fonctionnaires ont eu des difficultés à joindre la Première Nation pour terminer la planification.
« Bien qu’il soit possible d’aller de l’avant avec le retrait, étant donné qu’il est dans le meilleur intérêt des Canadiens et qu’il pourrait être considéré comme une activité régulière du gouvernement, il serait également nécessaire de s’assurer que les ministres puissent prendre des décisions avant la période d’assignation. »
En fin de compte, le mémorial est resté en place pendant deux mois de plus, jusqu’à la fin du mois d’octobre, lorsque, sous la direction d’aînés algonquins, il a été discrètement démonté par une vingtaine de personnes, y compris des fonctionnaires du ministère, sans aucun avis officiel.
Le grand chef par intérim du conseil tribal de la Première nation a déclaré à la Presse canadienne à l’époque que les objets avaient été bénis avant d’être retirés et que beaucoup d’entre eux avaient été trempés par la pluie. Il était prévu que les objets considérés comme sacrés soient brûlés dans un feu cérémoniel.
Dans un mémorandum préparé pour le sous-ministre des Relations Couronne-Indigène et des Affaires du Nord après l’enlèvement, les fonctionnaires ont déclaré que « de nombreux objets étaient dans un état de dégradation avancé ».
« Enfin, il faut établir une procédure pour le cas où de futurs articles commémoratifs seraient laissés par le public sur la colline du Parlement. »
Un porte-parole de Crown-Indigenous Relations and Northern Affairs Canada a déclaré que les articles du mémorial sont toujours entreposés.
« Les articles sacrés ont été retirés et soigneusement entreposés au 115 Sparks où (Services publics et Approvisionnement Canada) a surveillé la qualité de l’air et le niveau d’humidité pour assurer une conservation adéquate jusqu’à ce qu’ils puissent être livrés à la Première Nation algonquine Anishinabeg. »
Ce rapport de la Presse canadienne a été publié pour la première fois le 23 mars 2022.