Plus de 100 boxeurs demandent une enquête sur les « abus » à Boxe Canada
Plus de 100 boxeurs canadiens demandent la démission du directeur de la haute performance de Boxe Canada, Daniel Trépanier, et une enquête indépendante sur la culture du sport et la pratique sportive sécuritaire.
Dans une lettre envoyée à Sport Canada mercredi matin, les athlètes ont déclaré que Boxe Canada avait cultivé une culture toxique de peur et de silence.
« Il y a eu une tendance constante depuis plus d’une décennie où les athlètes et les entraîneurs de Boxe Canada qui se sont prononcés contre les actes répréhensibles ou qui ont défendu ce qui est juste se retrouvent à l’extérieur de l’organisation », indique la lettre. « De nombreux athlètes ont le sentiment d’avoir subi des abus physiques, des abus psychologiques et de la négligence de la part de l’organisation en raison de leur incapacité à résoudre ces problèmes. Des tentatives répétées ont été faites pour mettre ces problèmes en lumière, et ils ont été ignorés ou rejetés. »
L’année dernière, ont-ils dit, une collection complète d’expériences de boxeurs a été soumise au conseil d’administration de Boxe Canada, et aucune enquête officielle n’a été lancée pour examiner les allégations.
Mandy Bujold, double médaillée d’or aux Jeux panaméricains, double olympienne et 11 fois championne nationale, tweeté: « Je suis aux côtés des athlètes et des entraîneurs ! #Temps pour le changement. »
La lettre de mercredi a été signée par 121 boxeurs actuels et anciens depuis 2008. Elle a été envoyée à la ministre canadienne des Sports Pascale St-Onge, à la PDG d’À nous le podium Anne Merklinger, au conseil d’administration de Boxe Canada et à AthlètesCAN.
La lettre arrive au milieu de ce que St-Onge a appelé une «crise» dans le sport canadien. Elle a déclaré qu’il y avait eu des accusations de mauvais traitements, d’abus sexuels ou de détournement de fonds dirigés par au moins huit organisations sportives nationales au cours de ses cinq premiers mois de mandat.
Les athlètes canadiens de bobsleigh et de skeleton ont écrit une lettre similaire en mars demandant la démission de leur président par intérim et directeur de la haute performance. Ils ont déclaré qu’ils ne participeraient pas à la médiation proposée, la qualifiant de « solution de fortune ». Et un groupe de quelque 70 gymnastes – il est depuis passé à plus de 400 – a écrit à Sport Canada pour demander une enquête indépendante sur la culture de maltraitance de leur sport.
Les boxeurs ont identifié quatre grands domaines de préoccupation : la gouvernance et la transparence, la sécurité, la culture toxique et le harcèlement et la restriction des opportunités.
Ils ont dit qu’il y avait un manque de transparence et d’impartialité autour de choses telles que la répartition des fonds.
Il y a un « mépris flagrant » à la fois de la santé mentale et physique des athlètes, y compris des allégations d’inconduite sexuelle qui ont « été ignorées et non signalées » au conseil. Ils ont écrit que les athlètes s’entraînent et concourent souvent dans des environnements dangereux et ont été forcés de s’entraîner malgré des signes clairs de commotions cérébrales ou avec des disparités de poids importantes.
L’organisation nationale, par l’intermédiaire de son directeur de haute performance, ont-ils écrit, a « cultivé un style de leadership autoritaire qui exerce des représailles contre la carrière de ceux qui dénoncent l’organisation et fait taire les autres qui ont de véritables préoccupations mais qui sont instillés par la peur ». Des athlètes ont été victimes et témoins de harcèlement sous forme de commentaires homophobes, misogynes et sexistes de la part de la direction du programme.
Et les décisions de Boxe Canada concernant la sélection des équipes, ont-ils dit, sont basées sur une discrétion subjective. Cela a incité plusieurs athlètes de haut niveau, ont-ils dit, à devenir professionnels plus tôt que prévu et d’autres athlètes à concourir pour d’autres pays à l’échelle internationale.
«Les athlètes ont tenté à plusieurs reprises de faire part de leurs préoccupations de manière respectueuse et constructive à l’interne avec Boxe Canada et par des voies externes dans le système sportif canadien», ont-ils écrit. «Ce qui est peut-être le plus préoccupant, c’est que Boxe Canada a montré une incapacité ou une réticence totale à résoudre de manière significative bon nombre de ces problèmes et à travailler vers un véritable changement positif.
Bien qu’il y ait eu récemment des « changements superficiels » dans la structure de gouvernance, ils ont déclaré « rien n’indique que les préoccupations passées des athlètes et des entraîneurs aient été résolues ou qu’il y ait eu des changements concrets et significatifs en 2022 ».
Dans une longue déclaration mercredi, Boxe Canada a déclaré qu’elle « est fière de valeurs telles que la santé et la sécurité, l’intégrité et la responsabilité et prend ces préoccupations très au sérieux ».
L’organisation nationale a déclaré avoir pris des mesures ces derniers mois pour améliorer la transparence et la gouvernance, notamment en créant un groupe consultatif de haute performance et en séparant le rôle de directeur de haute performance des responsabilités d’entraîneur.
De plus, sous la direction du conseil d’administration, Boxe Canada a engagé un expert tiers en mars pour effectuer un examen de la culture de haute performance, « afin de s’assurer que les athlètes et les entraîneurs peuvent exceller dans un environnement d’entraînement optimal ».
« Nous nous engageons à être plus proactifs dans nos communications et à travailler avec les athlètes, les entraîneurs et les autres parties prenantes pour répondre à ces préoccupations et garantir un environnement sûr et inclusif pour tous », indique le communiqué.
L’ancienne nageuse artistique Sarah-Eve Pelletier a été embauchée le mois dernier en tant que première commissaire à l’intégrité du sport au Canada. Elle supervisera le noyau central du nouveau programme de sport sécuritaire du Canada par l’entremise du Centre de règlement des différends sportifs du Canada. St-Onge a promis que le bureau, qui a été attribué au CRDSC l’été dernier, sera opérationnel d’ici la fin du printemps.
Il recevra les plaintes pour mauvais traitements présumés dans le sport, lancera des enquêtes indépendantes et recommandera des sanctions contre les personnes reconnues coupables d’infractions.
De nombreux athlètes ont déclaré qu’ils pensaient que le processus de signalement des mauvais traitements par le biais du CRDSC ne serait pas vraiment indépendant.
Ce rapport de La Presse canadienne a été publié pour la première fois le 4 mai 2022.