Une étude québécoise montre que le vaccin contre la tuberculose chez l’enfant pourrait ne pas offrir de protection à long terme contre le COVID-19
MONTRÉAL — La vaccination infantile contre la tuberculose ne semble pas offrir une protection à long terme contre le COVID-19, selon les travaux de chercheurs québécois.
Plusieurs études menées depuis le début de la pandémie suggéraient que le vaccin BCG (Bacille Calmette-Guérin) contre la tuberculose pouvait offrir une certaine protection contre le SRAS-CoV-2, le virus responsable du COVID-19.
Des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), de l’Université de Sherbrooke, de l’Université de Montréal et de l’Université Laval ont mené la toute première étude dans la population québécoise comparant le statut vaccinal des personnes atteintes du COVID-19 et d’un groupe témoin.
« Nous avons montré qu’il n’y avait pas d’effet protecteur d’avoir reçu le vaccin BCG pendant l’enfance par rapport aux risques du COVID-19 aujourd’hui », a écrit Marie-Claude Rousseau, professeur et épidémiologiste à l’INRS, qui est l’auteur principal de la nouvelle étude publiée par la revue médicale Vaccine.
La plupart des études publiées à ce jour ont montré une corrélation entre la vaccination par le BCG dans la population et un taux plus faible de mortalité due au COVID-19.
Cependant, selon les chercheurs québécois, la conception de ces études ne permettait pas de déterminer si les personnes ayant reçu le vaccin BCG avaient une meilleure survie, ni de prendre en compte certains facteurs qui auraient pu biaiser les analyses.
« La difficulté des études antérieures est que l’on ne connaissait pas les informations individuelles », a déclaré Rousseau. « Les corrélations observées se situaient au niveau de la population, mais nous ne savions pas si c’était effectivement les personnes qui avaient reçu le vaccin BCG qui avaient une mortalité plus faible ou qui avaient un risque plus faible de contracter le COVID-19. »
AUCUN EFFET PROTECTEUR
La cohorte était composée de 920 personnes nées au Québec entre 1956 et 1976 et qui ont été testées positives au COVID-19 par dépistage PCR à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et au Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke entre mars et octobre 2020. Le groupe témoin était composé de 2 123 personnes dont le test de dépistage du COVID-19 était négatif.
Le statut vaccinal des sujets a été vérifié dans le registre de vaccination BCG du Québec à partir des informations qu’ils ont fournies. Cinquante-quatre pour cent des participants testés positifs pour le COVID-19 avaient reçu le vaccin BCG pendant leur enfance, contre 53 % dans le groupe témoin.
Les scientifiques n’ont donc pas pu observer d’effet protecteur à long terme du BCG. Leurs analyses ont contrôlé d’autres facteurs tels que le type d’emploi de la personne, le sexe biologique, l’âge, l’indice de privation matérielle et le fait de vivre dans une zone rurale ou urbaine.
Cependant, Rousseau a déclaré que leurs résultats ne concernent que la protection dont bénéficieraient aujourd’hui les personnes qui ont été vaccinées il y a 40 ou 50 ans.
« Nous ne pouvons pas exclure la possibilité qu’il y ait une protection à plus court terme », a-t-elle ajouté. Il y a certaines études, qui ne sont pas des essais cliniques randomisés … qui suggèrent un certain effet protecteur à court terme. »
Des essais cliniques seraient en cours dans plus de 15 pays pour déterminer si le BCG peut offrir une protection à court terme contre l’infection ou la gravité du COVID-19.
Des chercheurs de l’University Health Network de Toronto ont annoncé une nouvelle étude sur le BCG au début du mois. Ils espèrent recruter 3 600 répondants précoces pour voir si le vaccin peut réduire l’incidence et la gravité de l’infection par le COVID-19. Ils utiliseront une version améliorée du vaccin, dans l’espoir de susciter une réponse immunitaire plus robuste.
Sur la base d’une nouvelle analyse des données compilées par le Johns Hopkins University Coronavirus Resource Center, une lettre publiée fin septembre par les Proceedings of the National Academy of Sciences souligne que les décès dus à la pandémie sont montés en flèche cet été en Bolivie, au Panama, en Colombie, au Pérou, au Brésil, au Mexique et en Afrique du Sud, bien que leurs populations soient fortement protégées par le BCG.
IMMUNITÉ ENTRAÎNÉE
Le vaccin BCG existe depuis des décennies. Au fil du temps, les scientifiques ont constaté qu’il semble générer une protection au-delà de la seule tuberculose.
C’est le phénomène de « l’immunité entraînée », qui a été découvert il y a quelques années. Les cellules immunitaires qui représentent la première ligne de défense de l’organisme semblent subir des modifications qui les rendent plus efficaces lorsqu’elles rencontrent un agent infectieux, même si ce n’est pas l’agent de la tuberculose.
Des études menées dans les pays en voie de développement, par exemple, ont révélé un taux de mortalité plus faible chez les enfants vaccinés avec le BCG
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Deux rapports de l’Organisation mondiale de la santé ont conclu ces dernières années que le BCG avait un effet protecteur, d’autant plus que la mortalité dans les pays en développement est principalement liée aux maladies infectieuses
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Une étude publiée le mois dernier par la revue médicale Cell a également montré une incidence réduite des infections virales respiratoires sévères chez les seniors grecs ayant reçu le BCG.
Les futurs travaux du professeur Rousseau porteront sur les effets non spécifiques du vaccin BCG, qu’elle étudie depuis 15 ans.
La vaccination systématique contre la tuberculose au Canada et au Québec a cessé au milieu des années 1970.
— Ce rapport de la Presse canadienne a été publié en français le 25 octobre 2021.