Trudeau dénonce la partisanerie dans la controverse sur l’ingérence étrangère
Interrogé mercredi sur sa volonté de témoigner devant une commission parlementaire chargée d’évaluer la gestion de l’ingérence étrangère par les libéraux, le Premier ministre Justin Trudeau a esquivé la question, affirmant que les « attaques politiques » n’aideraient pas le Canada à lutter contre le « problème très sérieux » de l’ingérence de la Chine dans les élections.
La Commission de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC) qui étudie l’ingérence étrangère depuis des mois – suite à des rapports alléguant des tentatives spécifiques de Pékin pour modifier les résultats des élections fédérales de 2019 et 2021 – est au point mort en raison d’une tentative soutenue par l’opposition de faire témoigner la chef de cabinet de M. Trudeau, Katie Telford.
Mardi, les députés libéraux ont passé près de 12 heures à faire de l’obstruction devant la commission, s’exprimant longuement sur toute une série de sujets sans rapport avec le sujet, afin d’épuiser le temps imparti. Au cours de nombreux monologues, les députés de M. Trudeau ont exprimé leur opposition à l’idée de voir les cadres supérieurs des principaux partis comparaître pour faire la lumière sur ce qu’on leur a dit ou ce qu’on a signalé aux fonctionnaires fédéraux concernant les efforts de la Chine pour s’ingérer dans les deux dernières campagnes électorales.
Le fait que le personnel doive répondre aux questions d’un comité parlementaire va à l’encontre de la tradition de responsabilité ministérielle, ont fait remarquer les libéraux, tout en soulignant les efforts ardus du précédent gouvernement conservateur – y compris le ministre de la réforme démocratique de l’époque, Pierre Poilievre – pour lutter contre les tentatives de faire témoigner le personnel.
La plus longue période d’obstruction procédurale entreprise par le caucus de Trudeau s’est terminée vers 22 heures, le président libéral du comité espérant que les deux parties trouveraient un moyen d’en arriver à un vote afin de pouvoir passer à autre chose.
Le lendemain matin, un journaliste demande au premier ministre, alors que les libéraux empêchent le comité d’appeler Telford à témoigner, s’il serait prêt à comparaître.
Trudeau n’a pas répondu directement. Au lieu de cela, il a contourné la question en soulignant les diverses mesures qu’il s’est récemment engagé à prendre pour que la question soit explorée plus avant, tout en rassurant les Canadiens sur le fait que « l’ingérence chinoise n’a pas eu d’impact sur le résultat de nos élections ».
« Les Canadiens devraient avoir confiance en cela », a déclaré le Premier ministre. « Mais il y a des politiciens qui pensent que la meilleure façon de résoudre ce problème très sérieux et cette préoccupation des Canadiens est d’augmenter le niveau de partisanerie et d’attaques politiques.
Bien que le premier ministre n’ait pas cité de noms, le leader conservateur Poilievre a allégué ces derniers jours que le premier ministre n’agissait pas dans l’intérêt du Canada, déclarant mardi que Trudeau avait « inspiré beaucoup de suspicion » en refusant de répondre aux questions sur « sa connaissance de l’ingérence de Pékin pour l’aider à remporter deux élections successives ».
Cependant, ce n’est pas comme si les libéraux – y compris Trudeau – étaient restés à l’écart des attaques partisanes au cours de ce qui est maintenant des semaines d’échanges pointus et parfois houleux sur la Colline du Parlement à ce sujet. Ce ne serait pas non plus la première fois que lui ou Telford témoignerait devant une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les controverses libérales passées.
Mercredi, le premier ministre a déclaré qu’il n’était pas d’accord pour dire que le renforcement de la démocratie passait par la partisanerie sur un sujet aussi préoccupant que les efforts de la Chine pour s’ingérer dans les élections, les institutions et la société canadiennes.
L’inquiétude de voir le travail de PROC se transformer en un simple jeu partisan a été l’une des principales motivations des néo-démocrates pour faire adopter une motion demandant à Trudeau de mettre en place une enquête publique pour examiner l’ingérence étrangère.
« Il devrait s’agir d’un processus public qui aide à restaurer une certaine confiance dans notre système électoral », a déclaré mardi le chef du NPD, Jagmeet Singh.
M. Trudeau continue de résister aux demandes d’enquête et s’apprête à nommer un rapporteur spécial chargé d’évaluer l’état actuel des faits et de faire rapport sur le bien-fondé d’une enquête ou d’une autre forme d’investigation. Son gouvernement a demandé aux partis d’opposition de lui faire part des noms des personnes qu’ils souhaiteraient voir nommées pour prendre en charge ce travail, mais l’absence d’engagement qu’une enquête est à l’horizon a entraîné une résistance à la participation.
Le PROC doit se réunir à nouveau mardi prochain, où les conservateurs se disent déterminés, après près de 24 heures passées en comité par les libéraux à faire de l’obstruction, à « obtenir des réponses pour les Canadiens ».