Soudan : Des affrontements tribaux font 170 morts dans le sud du pays
Des affrontements tribaux dans la province méridionale soudanaise du Nil Bleu ont tué 170 personnes au cours des deux derniers jours, ont déclaré jeudi deux responsables soudanais. Il s’agit des dernières violences intercommunautaires en date dans le sud négligé du pays.
Les fonctionnaires, qui ont parlé à l’Associated Press sous couvert d’anonymat parce qu’ils n’étaient pas autorisés à parler aux médias, ont déclaré que les affrontements ont éclaté mercredi et qu’il n’y a eu aucun rapport indiquant que les combats ont cessé.
Ces derniers mois, la province a été secouée par des violences ethniques. Les affrontements tribaux qui ont éclaté en juillet ont tué 149 personnes début octobre et la semaine dernière, de nouveaux affrontements ont tué 13 autres personnes, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).
Les combats de juillet ont impliqué les Hausa, une tribu originaire d’Afrique de l’Ouest, et le peuple Berta, suite à un conflit foncier. Jeudi, un groupe représentant les Hausa a déclaré avoir été attaqué par des individus armés d’armes lourdes au cours des deux derniers jours.
Le groupe a publié une déclaration appelant à une désescalade et à l’arrêt du « génocide et du nettoyage ethnique des Hausa ». Cette tribu est depuis longtemps marginalisée au sein de la société soudanaise. Les violences de juillet ont déclenché une série de manifestations haoussas dans tout le pays.
L’OCHA n’avait aucune confirmation de l’augmentation du nombre de victimes, mais a déclaré que la violence avait déplacé au moins 1 200 personnes depuis la semaine dernière.
Plus tôt dans la journée, l’agence des Nations Unies a déclaré que les affrontements tribaux qui ont éclaté la semaine dernière dans la province voisine du Kordofan occidental ont fait 19 morts et des dizaines de blessés. Une fusillade entre les groupes ethniques Misseriya et Nuba a éclaté dans le cadre d’un conflit foncier près de la ville d’Al Lagowa, a déclaré OCHA.
Le gouverneur de l’Etat du Kordofan occidental s’est rendu dans la ville mardi pour parler aux résidents locaux dans le but de désamorcer le conflit, avant d’être la cible de tirs d’artillerie en provenance d’une zone montagneuse voisine, a indiqué OCHA. Aucune victime n’a été signalée suite à ces tirs d’artillerie.
« Les combats dans les Etats du Kordofan occidental et du Nil bleu risquent d’entraîner de nouveaux déplacements et de nouvelles souffrances humaines », a déclaré OCHA.
Mercredi, l’armée soudanaise a accusé le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord, un groupe rebelle actif dans le Nil Bleu et le Kordofan Sud, d’être à l’origine de l’attaque d’Al Lagowa. Le groupe rebelle n’a pas répondu à cette accusation.
La violence dans le Kordofan occidental a poussé environ 36 500 personnes à fuir Al Lagowa, tandis que de nombreuses personnes restantes ont cherché refuge dans la base militaire de la ville, a ajouté OCHA. La zone est actuellement inaccessible à l’aide humanitaire, a précisé l’agence.
Eisa El Dakar, un journaliste local du Kordofan occidental, a déclaré à l’AP la semaine dernière que le conflit est en partie dû aux revendications contradictoires des deux groupes ethniques sur les terres locales, les Misseriya étant principalement des éleveurs et les Nuba des agriculteurs.
Une grande partie du Kordofan et d’autres régions du Sud-Soudan ont été secouées par le chaos et les conflits au cours de la dernière décennie.
Le Soudan est branché dans la tourmente depuis un coup d’État en octobre dernier qui a bouleversé la brève transition démocratique du pays après trois décennies de règne autocratique d’Omar el-Béchir. Ce dernier a été renversé lors d’un soulèvement populaire en avril 2019, ouvrant la voie à un gouvernement civil-militaire de partage du pouvoir.
De nombreux analystes considèrent la montée de la violence comme un produit de la vacance du pouvoir dans la région, causée par le coup d’État militaire d’octobre dernier. La violence a également mis en péril l’économie soudanaise déjà en difficulté, aggravée par les pénuries de carburant causées, en partie, par la guerre en Ukraine.