ONU : « Manque extrême de nourriture » pour de nombreuses personnes dans le Tigré éthiopien.
NAIROBI, KENYA — Plus d’un tiers de la population de la région éthiopienne du Tigré, en proie à des conflits, « souffre d’un manque extrême de nourriture », a déclaré le Programme alimentaire mondial des Nations Unies dans une nouvelle évaluation de la région soumise à un blocus gouvernemental de plusieurs mois.
« Les familles épuisent tous les moyens pour se nourrir, les trois quarts de la population utilisant des stratégies extrêmes pour survivre », a déclaré le PAM dans son rapport publié vendredi, notant une augmentation de la mendicité et de la dépendance à un seul repas par jour. Il a appelé toutes les parties à la guerre en Éthiopie à accepter un cessez-le-feu humanitaire et des « couloirs de transport formellement convenus » pour l’aide après 15 mois de guerre.
L’ONU a déclaré qu’aucun convoi d’aide n’était entré dans la région du Tigré, qui compte quelque 6 millions d’habitants, depuis la mi-décembre. Par ailleurs, l’agence humanitaire des Nations unies a déclaré que moins de 10 % des fournitures nécessaires, notamment des médicaments et du carburant, sont entrées dans le Tigré depuis la mi-juillet. Toutes les ONG internationales opérant dans le Tigré ont épuisé leur carburant, « et leur personnel livre le peu de fournitures et de services humanitaires restants à pied, dans la mesure du possible », a indiqué l’agence dans sa mise à jour de vendredi.
Le gouvernement éthiopien craint que l’aide ne tombe entre les mains des forces du Tigré qui ont autrefois dominé le gouvernement national et qui affrontent le gouvernement actuel du Premier ministre Abiy Ahmed depuis novembre 2020. Le gouvernement a en partie imputé les problèmes d’acheminement de l’aide à l’insécurité causée, selon lui, par les forces du Tigré, notamment les nouveaux combats dans la région voisine d’Afar, près du seul couloir routier approuvé pour l’aide.
Cependant, les travailleurs humanitaires accusent également les obstacles bureaucratiques, notamment les fouilles personnelles intrusives et la confiscation d’articles, y compris de médicaments personnels, avant les visites au Tigré. Le nouveau rapport du PAM, basé sur des entretiens en face à face avec plus de 980 ménages dans les parties accessibles du Tigré, fait état de « défis opérationnels extraordinaires. »
Pendant ce temps, la faim augmente. Lorsqu’on lui a demandé si la famine sévissait au Tigré, le porte-parole du PAM, Tomson Phiri, a déclaré aux journalistes à Genève qu’elle n’avait pas été déclarée. Mais « nous avons des gens qui sont confrontés à des conditions proches de la famine. … Famine et conditions proches de la famine ? Des animaux différents, mais la même bête ».
La guerre s’est déplacée ces dernières semaines, les forces du Tigré se retirant dans leur région après avoir tenté d’avancer vers la capitale, Addis-Abeba, et l’armée éthiopienne déclarant qu’elle ne les poursuivrait pas davantage. Cela a ouvert la voie à de nouveaux efforts de médiation de la part des États-Unis et de l’Union africaine, l’accès humanitaire étant un objectif clé.
L’aide a commencé à atteindre les populations des régions d’Amhara et d’Afar après que les incursions des forces du Tigré aient déplacé des centaines de milliers de personnes. Mais le nouveau rapport du PAM indique que quelque 9 millions de personnes, le plus grand nombre de personnes encore dans la guerre, ont besoin d’une assistance alimentaire dans les trois régions touchées.
Le ministère éthiopien des affaires étrangères a déclaré cette semaine qu’il travaillait avec des partenaires d’aide pour faciliter les vols cargo quotidiens vers le Tigré « afin de transporter les médicaments et les fournitures indispensables ». On ignore quand ces vols quotidiens commenceront, mais le Comité international de la Croix-Rouge a annoncé mercredi qu’il avait effectué sa première livraison de fournitures médicales au Tigré depuis septembre, la qualifiant d' »énorme soulagement ». Un deuxième vol a suivi jeudi.
L’ONU a déclaré que le temps était compté. « Les organisations d’aide ont averti que les opérations pourraient cesser complètement d’ici la fin du mois de février au Tigré », a déclaré jeudi aux journalistes le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric.
Le bureau de la santé du Tigré a indiqué cette semaine que près de 1 500 personnes sont mortes de malnutrition dans une seule partie de la région sur une période de quatre mois l’année dernière, dont plus de 350 jeunes enfants. Il a cité plus de 5 000 décès liés au blocus, dus à la faim et à la maladie, ce qui constitue le plus grand nombre de décès officiels associés à la guerre dans le pays.
Le gouvernement éthiopien a cherché à limiter les reportages sur la guerre et a détenu certains journalistes dans le cadre de l’état d’urgence, notamment un vidéaste indépendant accrédité auprès de l’AP, Amir Aman Kiyaro. Le Conseil des ministres du pays a proposé cette semaine de mettre fin à l’état d’urgence dès maintenant, en invoquant l’évolution de la situation en matière de sécurité. Cette proposition doit être approuvée par les législateurs.
Jamey Keaten à Genève a contribué.