Les défenseurs des réfugiés contestent l’entente sur les tiers pays sûrs
Les défenseurs des réfugiés et des droits de la personne affirment à la Cour suprême du Canada qu’un pacte binational » sous-traite » aux États-Unis les obligations internationales du Canada à l’égard des demandeurs d’asile, sans qu’il y ait de suivi approprié pour s’assurer que Washington fait le travail.
Dans une soumission écrite, les opposants à l’Entente sur les tiers pays sûrs, vieille de 18 ans, demandent à la Cour suprême de déclarer que la législation qui sous-tend le pacte viole l’article 7 de la Charte des droits et libertés, qui garantit la vie, la liberté et la sécurité de la personne.
La Cour suprême doit entendre aujourd’hui les arguments oraux sur la constitutionnalité de l’accord, en vertu duquel le Canada et les États-Unis se reconnaissent mutuellement comme des havres de protection.
Le pacte permet au Canada de renvoyer les réfugiés potentiels qui se présentent aux points d’entrée terrestres le long de la frontière canado-américaine au motif qu’ils doivent poursuivre leur demande aux États-Unis, le pays où ils sont arrivés en premier.
Le gouvernement canadien soutient dans son propre mémoire à la cour que les personnes renvoyées ont accès à des processus d’asile et de détention équitables au sud de la frontière. « Il n’est pas déraisonnable de renvoyer les demandeurs d’asile aux États-Unis pour qu’ils puissent demander la protection dans ce pays. »
Les défenseurs canadiens des réfugiés ont longtemps combattu l’accord sur l’asile, affirmant que les États-Unis ne sont pas toujours un pays sûr pour les personnes qui fuient la persécution.
Plusieurs demandeurs d’asile ont porté l’affaire devant la Cour fédérale, ainsi que le Conseil canadien pour les réfugiés, le Conseil canadien des églises et Amnesty International, qui ont participé aux procédures en tant que parties d’intérêt public.
Dans chaque cas, les demandeurs, qui sont des citoyens du Salvador, de l’Éthiopie et de la Syrie, sont arrivés à un point d’entrée officiel au Canada en provenance des États-Unis et ont demandé l’asile.
Ils ont fait valoir devant le tribunal qu’en renvoyant aux États-Unis des demandeurs d’asile non admissibles, le Canada les expose à des risques sous forme de détention et d’autres violations des droits.
Dans sa décision de 2020, la juge de la Cour fédérale Ann Marie McDonald a conclu que l’Entente sur les tiers pays sûrs fait en sorte que les demandeurs non admissibles sont emprisonnés par les autorités américaines.
La détention et les conséquences qui en découlent sont « incompatibles avec l’esprit et l’objectif » de l’entente sur les réfugiés et constituent une violation des droits garantis par l’article 7 de la Charte, a-t-elle écrit.
« Les preuves démontrent clairement que les personnes renvoyées aux États-Unis par les autorités canadiennes sont détenues à titre de sanction. »
Cependant, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision l’année dernière.
« Le défaut constitutionnel allégué dans cette affaire découle de la façon dont les administrateurs et les fonctionnaires font fonctionner le régime législatif, et non du régime législatif lui-même », a déclaré la Cour d’appel.
« Mais parce que les requérants ont choisi de ne pas attaquer une quelconque conduite administrative, nous n’avons ni la capacité ni les preuves devant nous pour l’évaluer. »
La Cour d’appel a également jugé que le régime législatif était conforme à la Charte, à moins que l’on puisse démontrer que le traitement subi par les personnes renvoyées aux États-Unis « choque la conscience. »
Dans leur soumission à la Cour suprême, les demandeurs et les avocats affirment que la Cour d’appel « a refusé de s’engager sur le fond de l’affaire » et a adopté « une approche très restrictive du contrôle de la Charte ».
Ils soutiennent que le système américain de détention des immigrants a été « largement condamné pour ses graves violations des normes internationales minimales » pour la détention des demandeurs d’asile.
« Ce régime législatif sous-traite effectivement les obligations internationales du Canada à l’égard des demandeurs d’asile en se fondant sur la prémisse que les États-Unis rempliront ces obligations pour nous « , dit le mémoire.
Bien que le Canada soit tenu par la loi de s’assurer que cette prémisse demeure valide par le biais d’une surveillance continue des politiques et pratiques américaines en matière d’asile, » il a omis de le faire « , affirment-ils.
Au contraire, le gouvernement affirme qu’au moment de l’audience de la Cour fédérale, l’examen canadien de l’accord binational était » efficient, efficace et approfondi » et que les renseignements recueillis n’ont pas révélé de problèmes importants
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Ce rapport de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 6 octobre 2022.