Le Sénat modifie le projet de loi sur le contrôle judiciaire contrairement à l’objectif: Lametti
Le bureau du ministre de la Justice David Lametti affirme que certains amendements du Sénat à un projet de loi sur la surveillance judiciaire feraient le contraire de ce que le projet de loi tente d’accomplir.
Le projet de loi C-9 modifierait la Loi sur les juges afin de créer un nouveau processus permettant au Conseil canadien de la magistrature d’examiner les allégations d’inconduite qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier la destitution d’un juge.
Le bureau de Lametti a déclaré que le projet de loi est le fruit d’une vaste collaboration avec des juges de tout le pays.
« Certains amendements proposés par le Sénat sont contraires à l’intention de la législation, qui est de renforcer la surveillance et l’efficacité du processus d’inconduite judiciaire », a déclaré l’attachée de presse de Lametti, Diana Ebadi, dans un communiqué.
« Le ministre Lametti croit que le but de C-9 est de réformer le processus d’inconduite judiciaire, qui est désuet et s’est parfois avéré inefficace et coûteux. Il se concentre sur l’amélioration et le renforcement de la confiance dans le processus, tant pour les juges que pour le grand public. Sa priorité est d’adopter une législation qui permettra d’atteindre cet objectif.
La Chambre des communes avait adopté à l’unanimité le projet de loi, qui préciserait également quand un juge peut être révoqué et modifierait la façon dont le Conseil canadien de la magistrature rend compte de ses recommandations au ministre.
Le conseil a autorité sur les juges nommés par le gouvernement fédéral et il reçoit, examine et traite les plaintes. Il travaille à distance des branches exécutive et législative du gouvernement.
Le projet de loi C-9 créerait un nouveau comité chargé d’examiner les plaintes et de déterminer si la destitution d’un juge peut être justifiée.
Si ce n’est pas le cas, la plainte pourrait être rejetée ou le comité d’examen pourrait prendre des mesures pouvant inclure une réprimande, un avertissement ou ordonner à un juge de s’excuser, de suivre des conseils ou de suivre une formation complémentaire.
Si le comité d’examen jugeait la plainte suffisamment grave pour envisager la révocation d’un juge, la plainte serait transmise à un comité d’audience distinct. Ce groupe serait alors chargé de faire une recommandation au ministre de la Justice.
Les amendements du Sénat, qui sont maintenant devant la Chambre, traitent de la façon dont les plaintes peuvent être rejetées, qui siège au comité qui décide comment la discipline doit être traitée et comment les décisions peuvent être portées en appel.
Un changement supprimerait une ligne qui disait que les personnes siégeant à des comités d’audience pour des affaires disciplinaires devraient refléter la diversité « dans la mesure du possible », pour indiquer qu’elles devraient simplement refléter la diversité du Canada.
Un autre a ajouté les mots « inconduite sexuelle » à une ligne du projet de loi qui ne parlait auparavant que de « harcèlement sexuel » afin de saisir une définition plus précise de la manière dont les différents types d’allégations devraient être examinés.
Dans sa forme originale, le projet de loi C-9 obligerait le conseil de la magistrature à rendre compte publiquement du nombre de plaintes qu’il reçoit et de la manière dont elles ont été résolues.
Mais les sénateurs ont ajouté une stipulation selon laquelle les raisons du rejet des plaintes devraient également être fournies, ainsi que davantage de données sur l’identité des plaignants.
Le sénateur Kim Pate, qui a présenté l’amendement pour plus de collecte de données, a déclaré que cela permettrait au gouvernement de « comprendre qui sont les plus mécontents, qui ont les moyens de porter plainte en justice et qui sont touchés de manière disproportionnée afin que nous puissions créer de meilleurs la formation des juges, des avocats et créer un système judiciaire équitable. »
N’importe qui peut actuellement déposer une plainte, mais celle-ci doit être faite par écrit et transmise au conseil de la magistrature.
La sénatrice Denise Batters a présenté un amendement visant à ajouter différents types de personnes au processus de plainte judiciaire.
« Les personnes qui ne sont pas avocats ou juges apportent une perspective différente aux questions juridiques, et lorsque les problèmes de discipline judiciaire peuvent avoir un tel impact sur la confiance du public dans ce système, il est important que des profanes soient impliqués dans le processus », a-t-elle déclaré aux sénateurs plus tôt ce mois-ci.
Batters a également réussi à modifier la loi afin que les décisions puissent faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale.
Le président de l’Association du Barreau canadien, Steven Bujold, a déclaré à un comité sénatorial que la création de cette option améliorerait la surveillance.
« Pour des raisons de justice naturelle, cela garantit qu’il y a une surveillance externe du processus », a déclaré Bujold, ajoutant qu’il est important pour la démocratie canadienne que le public voie la discipline judiciaire appliquée de manière ouverte et responsable avec des voies d’appel claires.
« Un autre avantage d’un droit d’appel est que la Cour d’appel fédérale est susceptible de donner des motifs détaillés, de sorte que le juge accusé d’inconduite et le public sauront alors pourquoi un tribunal indépendant a conclu comme il l’a fait. »
Le processus de plainte contre les juges a suscité une attention accrue plus tôt cette année lorsque le conseil a annoncé qu’il examinait une plainte contre le juge de la Cour suprême Russell Brown, qui reste en congé en attendant l’examen.
Le projet de loi C-9 n’est pas la première tentative du gouvernement libéral de réformer la discipline des juges. Sa première tentative a pris la forme d’un projet de loi du Sénat déposé en mai 2021, qui est mort au feuilleton avant les élections de 2021.
La loi a été introduite en décembre après la réélection des libéraux, mais elle a été retirée par le gouvernement et remplacée par la version actuelle de la loi.
Si le gouvernement rejette l’un des amendements du Sénat, le projet de loi doit être renvoyé à la chambre haute pour une approbation finale avant qu’il ne devienne loi.
Ce rapport de La Presse canadienne a été publié pour la première fois le 7 juin 2023.