L’ancien premier ministre Chrétien parle de l’inflation et des affaires courantes.
OTTAWA — L’ancien premier ministre Jean Chrétien se dit préoccupé par l’avenir de l’économie canadienne, l’inflation atteignant son plus haut niveau depuis près de 20 ans, et affirme que le Canada « s’engage dans une ruelle sombre ».
Lors d’une interview avec Evan Solomon, animateur de l’émission Question Period sur CTV, M. Chrétien a déclaré que, même s’il pense que le gouvernement fédéral « n’avait pas le choix » lorsqu’il s’est agi de creuser le déficit pour répondre à la crise du COVID-19, il y aura « des circonstances difficiles à venir. »
« Nous imprimons de l’argent comme des fous », a-t-il dit. Interrogé pour savoir si cela l’inquiétait, il a répondu « oui ».
« Nous avançons dans une ruelle sombre, mais nous devrons aller au bout de la ruelle ».
Parlant des préoccupations relatives à l’inflation– Chrétien a réfléchi à sa propre expérience de gestion des défis économiques en tant que premier ministre.
Avec l’économie et l’augmentation du coût de la vie en tête des préoccupations de nombreux Canadiens, M. Chrétien a déclaré que le Canada « devra y faire face ».
« Avec la pandémie… c’était tellement inhabituel qu’ils ont fait quelque chose qui est inhabituel », a-t-il dit. « La réalité va frapper et nous y ferons face, mais ils n’avaient pas d’autre choix ».
Au cours de cette vaste interview, M. Chrétien a parlé de son nouveau livre : Mes histoires, mon époque, volume 2″ – qu’il décrit comme offrant aux lecteurs un coup d’œil « derrière le rideau » de sa vie – mais il a également abordé les questions d’actualité.
SUR LA PÉRÉQUATION
Parlant des paiements référendaires du premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, M. Chrétien les a qualifiés de « perte de temps totale ».
« Parce que vous avez besoin d’un changement dans la Constitution, et pour ce faire, vous avez besoin que sept provinces soient d’accord. Bonne chance », a-t-il dit.
Chrétien a dit que les premiers ministres doivent faire face à des provinces qui « se plaignent », ce qui fait partie de la nature de la fédération.
« Si vous êtes un maire et que vous avez un problème, que faites-vous ? Vous blâmez le gouvernement provincial. Si vous êtes un gouvernement provincial et que vous avez un problème, que faites-vous ? Vous blâmez le gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas blâmer la Reine, alors de temps en temps, nous blâmons les Américains. Vous savez, si vous pouvez vous renvoyer la balle, ce n’est pas si mal », a-t-il déclaré.
SUR LA CHINE
Parlant de l’état des relations entre le Canada et la Chine, il a dit que le gouvernement fédéral doit faire face à la réalité que la Chine est une superpuissance comme les Américains, et que le gouvernement canadien ne devrait pas penser qu’il peut leur dire quoi faire.
Selon Chrétien, le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau a traité l’affaire des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, anciennement détenus, en disant qu’ils « étaient la victime du gouvernement de l’Amérique. »
« Les États-Unis nous ont forcés, et le gouvernement a décidé de suivre le mouvement, parce qu’ils pensaient qu’ils n’avaient pas le choix. Je pensais qu’ils avaient le choix », a-t-il dit, faisant référence à la proposition d’un échange de prisonniers, qui, selon le gouvernement, aurait récompensé la diplomatie des otages.
SUR LA RÉCONCILIATION
On a demandé à M. Chrétien – qui a été ministre des Affaires indiennes sous l’ancien premier ministre Pierre Trudeau – s’il assume une certaine responsabilité à la lumière des découvertes continues de tombes non marquées sur les sites des anciens pensionnats.
« Elles étaient là depuis longtemps, et vous savez que la dernière a été fermée par moi quand j’étais premier ministre. Nous devions gérer le problème à l’époque », a-t-il déclaré.
Lorsqu’on lui a demandé s’il allait s’excuser pour son rôle dans l’héritage des pensionnats canadiens – qui comprenait la proposition d’un « livre blanc » très controversé et finalement retiré, considéré par les autochtones comme assimilationniste, car il proposait entre autres d’éliminer le « statut d’Indien » – M. Chrétien a répondu qu’il se concentrait sur l’avenir.
Il a également refusé de se livrer à un « Monday morning quarterback » sur la décision de Trudeau de passer la première Journée nationale pour la vérité et la réconciliation à Tofino.
SUR LA « BONNE RECETTE » DU CANADA
On a demandé à M. Chrétien quelle était sa plus grande inquiétude au sujet du Canada en ce moment, et il a donné une réponse optimiste.
» Je pense que nous sommes encore dans la meilleure position que n’importe qui d’autre, vous savez. Pourquoi ? C’est parce que nous avons un bon système de gouvernance… Nous avons changé de gouvernement ici de façon pacifique… nous avons un pays où il y a beaucoup de compréhension… Nous n’avons pas un niveau très élevé de discrimination. Il y en a, sans aucun doute, et nous essayons de nous battre en permanence pour qu’il n’y en ait pas », a-t-il déclaré.
« Quand vous êtes 38 millions de personnes, il y a toujours des problèmes. Mais… Nous sommes prospères, nous avons beaucoup de ressources, nous avons probablement l’une des populations les mieux éduquées du monde, nous avons l’avantage d’avoir deux langues officielles, nous avons des citoyens qui viennent du monde entier, nous ne faisons pas attention à la couleur de la peau, à la religion, à la langue. Nous disons à chacun d’être à l’aise avec ce qu’il est. »
« Je pense que nous avons une bonne recette, et si cette recette était appliquée partout dans le monde, le monde serait meilleur », a-t-il poursuivi.
Chrétien a également déclaré que si « bien sûr » il aime toujours être engagé en politique, « je ne veux plus la pratiquer. »