La flambée du prix de l’essence entraîne celle de l’inflation : un expert
Le coût de la vie ayant atteint un taux jamais vu depuis plus de 30 ans, les Canadiens paient plus cher les produits de première nécessité comme la nourriture, le logement et l’essence.
Le taux d’inflation annuel a atteint 5,7 % en février, soit le niveau le plus élevé depuis août 1991 et le deuxième mois consécutif où il dépasse 5 %.
Jill Macyshon, chef du bureau du Manitoba de CTV National News, s’est entretenue avec Phil Cyrenne, professeur d’économie à l’Université de Winnipeg, sur les causes des taux d’inflation élevés au Canada et sur les personnes les plus touchées.
Cette interview a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.
Nous avons beaucoup parlé de l’inflation au cours des dernières années dans ce pays. Qu’est-ce que l’inflation et qu’est-ce qui l’alimente ?
L’inflation est une augmentation continue du niveau moyen des prix. Il ne s’agit pas d’une augmentation ponctuelle.
Au cours des dernières années, ces prix ont augmenté de manière assez spectaculaire. Quels sont les moteurs de l’inflation ?
Vous pouvez avoir des augmentations ponctuelles des prix dues à des chocs d’approvisionnement. Par exemple, supposons que le prix du pétrole augmente de 20 pour cent. Si c’est la seule augmentation du prix du pétrole, alors les prix s’ajusteront. Il ne faut donc pas s’attendre à des augmentations continues des prix.
Ce dont vous avez vraiment besoin pour l’inflation, c’est d’avoir ce qu’on appelle une politique monétaire expansionniste, plus une politique fiscale expansionniste. Ce qui s’est passé au Canada, c’est que nous avons eu essentiellement les trois : Nous avons eu une politique fiscale expansionniste, une politique monétaire expansionniste et un choc d’offre défavorable, en particulier dans le secteur de l’énergie. C’est une recette pour l’inflation partout.
Je pense que c’est en grande partie un héritage de la période COVID. J’étais quelqu’un qui était très, très préoccupé par la période après le COVID. Je veux dire, nous ne sommes pas encore tout à fait sortis de l’auberge. Mais vous devez faire attention à ce que vous faites pendant la période COVID et à ce qui va se passer après. La plupart des économistes pensaient que les emprunts, les dépenses financières sans précédent et la baisse des taux d’intérêt allaient entraîner des problèmes après la période COVID. Je pense que c’est ce que nous voyons maintenant.
Qui est le plus touché par l’inflation ?
En général, les personnes à revenu fixe sont toujours touchées par l’inflation. En d’autres termes, si vous êtes à la retraite et que vous recevez votre RPC annuel, le montant que vous recevez va s’acheter de moins en moins. L’inflation érode vraiment le pouvoir d’achat. Mais les personnes qui en profitent sont celles qui empruntent parce que, dans un sens, elles vont rembourser avec des dollars de moins en moins précieux, car l’inflation érode cette valeur. Les emprunteurs s’en sortent donc un peu mieux dans un environnement inflationniste, alors que les épargnants s’en sortent généralement moins bien.
Que voyez-vous pour l’avenir ?
Je pense que la Banque du Canada a compris que des taux d’intérêt plus élevés sont nécessaires. L’idée derrière des taux d’intérêt plus élevés est de réduire les emprunts des consommateurs et des entreprises, ce qui réduira les dépenses. Ce sont les dépenses qui contribuent à la hausse des prix, en conjonction avec le choc d’offre. C’est ce dernier (le choc de l’offre) qui fait grimper les prix de l’énergie, et les prix de l’énergie se répercutent sur l’ensemble de l’économie. Si vous parlez des prix des denrées alimentaires, le transport est un élément clé de ces prix. L’agriculture utilise beaucoup d’énergie. L’énergie est donc un élément clé de l’économie, ce qui explique ses effets considérables.
Donc, si les prix du pétrole continuent à augmenter, l’inflation continuera-t-elle à augmenter également ?
Oui. Pour qu’il y ait inflation, il faut une augmentation continue des prix, et le pétrole continue d’augmenter. La seule option dont disposent les banques centrales dans le monde est de réduire la demande globale. Et la façon de le faire est d’augmenter les taux d’intérêt – en d’autres termes, de réduire la pression que l’économie mondiale exerce sur le marché du pétrole.
Pensez-vous que la Banque du Canada relèvera ses taux d’intérêt d’ici un mois ou deux ?
Je pense que c’est vraiment ce à quoi ils pensent. La question qui les préoccupe également est que lorsque vous augmentez les taux d’intérêt, vous ralentissez en fait l’économie. La Banque du Canada doit donc jongler. Elle essaie de gérer ces pressions inflationnistes, mais elle ne veut pas nous pousser vers une récession. C’est pourquoi elle a été quelque peu réticente à augmenter les taux d’intérêt.