La disposition sur le drapeau rouge du projet de loi sur les armes à feu pourrait affaiblir la sécurité publique, selon les critiques.
Les détracteurs d’une nouvelle mesure visant à retirer les armes à feu des mauvaises mains affirment qu’elle pourrait en fait saper les efforts visant à rendre les gens plus sûrs.
Un projet de loi du gouvernement étudié par les députés permettrait à quiconque de demander à un juge une ordonnance d’urgence pour interdire à une personne susceptible de causer du tort, comme un harceleur ou un agresseur, de posséder des armes à feu pour une durée maximale de 30 jours.
L’identité de la personne qui fait la demande peut rester confidentielle, et l’affaire peut se dérouler sans que le propriétaire de l’arme soit présent au tribunal.
Plusieurs organisations ont déclaré au comité de la sécurité publique de la Chambre des communes que cette « disposition de drapeau rouge » est malavisée et problématique.
Heidi Rathjen, coordinatrice du groupe de contrôle des armes à feu PolySeSouvient, a déclaré lors d’une audience du comité que pas une seule organisation de femmes n’a demandé cette mesure au gouvernement.
Selon la loi actuelle, une personne qui craint la violence d’un propriétaire d’armes à feu peut appeler la police, qui peut enquêter et retirer les armes à feu si elle conclut qu’il y a un risque.
Selon M. Rathjen, en obligeant une victime potentielle à aller au tribunal, la proposition de drapeau rouge pourrait permettre à la police de se décharger de sa responsabilité.
« Nous pensons que l’existence d’une telle mesure va saper les réformes qui doivent avoir lieu, dans ce genre de cas où la police ne prend pas les plaintes suffisamment au sérieux », a-t-elle déclaré. « Et cela devrait être le point central de l’amélioration du système, parce que c’est le système le plus efficace en termes de protection des victimes et des victimes potentielles, notamment en ce qui concerne les violences domestiques. »
PolySeSouvient comprend des étudiants et des diplômés de l’École polytechnique de Montréal, où un homme a abattu 14 femmes en 1989.
Dans une présentation écrite au comité, le groupe affirme que l’introduction de nouvelles procédures de drapeau rouge pour les victimes montre également un manque de compréhension des nuances de la violence intime.
« En effet, il n’est pas réaliste d’attendre des victimes qu’elles aient les moyens et le courage d’aller au tribunal alors qu’elles doivent faire face aux défis simultanés d’échapper aux abus, de s’occuper des enfants et de garder leur emploi. »
Dans son mémoire au comité, l’Association nationale de la femme et du droit affirme que le processus de demande de tribunal « risque d’être risqué et peu pratique pour les femmes dont la sécurité est menacée ».
L’association souhaite que les députés renforcent la loi dans son ensemble afin de garantir le retrait rapide des armes à feu de leur propriétaire lorsqu’un risque de préjudice est évident.
« Agir extrêmement rapidement peut être essentiel pour prévenir un fémicide. Trop d’étapes ou de confusion concernant qui retire les armes et quand peuvent avoir des conséquences tragiques. »
Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, a dit au comité des Communes que la mesure du drapeau rouge devrait être retirée du projet de loi parce qu’elle pourrait nuire à plus de femmes qu’elle n’en aiderait.
La loi existante est à la fois « suffisante et préférable aux changements proposés » de la disposition sur le drapeau rouge, affirme l’Association du Barreau canadien dans un mémoire adressé aux députés.
L’association suggère que le fait de permettre que l’identité de la personne qui se présente devant le tribunal reste scellée pourrait conduire à des abus de la part d’une personne vengeresse.
« Les agents de police eux-mêmes sont vulnérables aux fausses plaintes en vertu de ces dispositions », indique l’association. « Un individu lésé, qui a été arrêté, peut présenter au tribunal un récit unilatéral de l’interaction. Il n’y a pas de contre-interrogatoire ou de possibilité de vérifier les dossiers. »
Ce reportage de la Presse canadienne a été publié pour la première fois le 21 novembre 2022.