La Banque du Canada prévient que les versements hypothécaires pourraient augmenter fortement
L’endettement élevé des ménages et les prix élevés des logements sont devenus des vulnérabilités plus importantes au cours de la dernière année, mais l’économie peut encore gérer la hausse des taux d’intérêt nécessaire pour maîtriser l’inflation, a déclaré jeudi le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem.
« Nous pensons que l’économie a besoin de taux d’intérêt plus élevés, et elle peut certainement supporter des taux d’intérêt plus élevés », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Ottawa sur le dernier examen du système financier de la banque centrale.
L’examen note que les dettes élevées et les prix des maisons ont accru les risques de baisse de la croissance économique globale, car la hausse des taux destinée à contrer l’inflation augmente le risque que les ménages aient à détourner leur consommation vers le remboursement de leurs dettes.
Cependant, Macklem a souligné la santé financière globale des ménages canadiens, alors que la valeur nette moyenne a augmenté d’environ 230 000 $ pendant la pandémie, et l’accent mis par la banque centrale sur la réduction de l’inflation par crainte de la façon dont des taux plus élevés pourraient affecter le marché du logement.
« Notre objectif principal est de ramener l’inflation à la cible. Vous savez, la politique monétaire n’est pas la politique du logement », a-t-il déclaré.
« Les augmentations des prix de l’immobilier que nous avons constatées ont été insoutenables et nous nous attendons à une certaine modération de l’activité immobilière et franchement, ce serait sain. »
Il a déclaré que si le marché du logement est une partie importante de l’économie et que la banque surveille de près la dynamique, la banque doit ralentir la demande dans l’économie et l’aligner sur l’offre.
La banque a indiqué, et Macklem l’a répété jeudi, qu’elle devra peut-être porter son taux d’intérêt directeur à plus de 3 % pour ramener l’inflation sur la cible. Il a déclaré que la banque pourrait avoir besoin « d’agir plus rapidement, pourrait avoir besoin de faire un pas plus grand » pour éviter que l’inflation ne s’enracine.
Les investisseurs ont représenté 22% des achats immobiliers avec hypothèque au quatrième trimestre 2021, contre 19% en 2019, selon la banque.
La Banque du Canada a relevé son taux directeur cible d’un demi-point de pourcentage la semaine dernière à 1,5 %, une décision qui a incité les grandes banques commerciales à relever leurs taux préférentiels.
Le rapport a noté jeudi que l’augmentation des taux mettra à rude épreuve les titulaires d’hypothèques, en particulier ceux qui ont acheté sur le marché du logement pendant la pandémie, car un nombre croissant de ménages se sont étirés financièrement pour acheter une maison.
Pour illustrer les risques, la banque centrale a exécuté un scénario hypothétique dans lequel les prêts hypothécaires à taux variable et fixe de cinq ans souscrits en 2020 et 2021 se renouvelaient à des taux médians de 4,4 % et 4,5 %, respectivement, en 2025 et 2026.
Dans ce scénario, les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux fixe au cours de cette période verraient une augmentation médiane de leur paiement mensuel de 300 $ ou 24 %, tandis que les emprunteurs ayant un ratio prêt-revenu élevé avec un prêt à taux fixe verraient une augmentation médiane de 490 $ ou 26 %.
Cependant, ceux qui ont des hypothèques à taux variable feraient face à des augmentations encore plus importantes avec une augmentation médiane de 720 $ ou 44 % de leur paiement mensuel au renouvellement. Les emprunteurs à ratio prêt-revenu élevé qui ont opté pour un prêt à taux variable verraient une augmentation médiane de 1 020 $ ou 45 % de leur paiement mensuel.
Des frais de gestion hypothécaire plus élevés signifient moins d’argent à dépenser ailleurs, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur l’économie globale, note le rapport. Dans la perspective du premier trimestre de 2024, les tendances ont augmenté la probabilité d’une croissance négative à 15 %, en hausse de cinq points de pourcentage par rapport à ce qu’elle aurait été si les niveaux d’endettement n’avaient pas changé pendant la pandémie.
Si la demande des investisseurs se tarissait pour les logements canadiens, la banque prévient que cela « amplifierait la pression à la baisse sur les prix » et pourrait « conduire à une correction brutale des prix à l’avenir ».
La hausse des taux augmente également le risque d’une correction du marché immobilier, qui éroderait les fonds propres et la capacité de réaction des ménages.
Le rapport note que la récente flambée des prix des maisons, qui a gagné environ 50% au cours des deux premières années de la pandémie, a été alimentée en partie par l’augmentation des achats par les investisseurs et l’attente générale que les prix continuent d’augmenter, à la fois qui pourraient « amplifier » la baisse des prix à mesure que le marché s’inverse.
Le marché immobilier a déjà commencé à se refroidir depuis que la banque a commencé à relever son taux directeur, mais la banque centrale a déclaré qu’il était trop tôt pour dire s’il s’agissait du début d’une baisse plus profonde et durable.
L’examen financier a noté que le secteur bancaire canadien pourrait faire face à un ralentissement du marché de l’habitation et de l’économie en général. Un test de résistance où l’économie recule de 5,8% sur six trimestres a montré que même si cela conduirait à une baisse importante des coussins de fonds propres des banques, les banques seraient toujours globalement résilientes.
La Banque du Canada a noté dans son examen que les autres vulnérabilités du système financier comprennent les cybermenaces étant donné la nature interconnectée du système financier, un risque qui a augmenté en raison de l’agression russe liée à son invasion de l’Ukraine.
Il a déclaré que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a également compliqué davantage la transition vers une économie à faible émission de carbone et accru les risques d’une réévaluation des actifs exposés au changement climatique.
Mais le principal défi pour la banque reste les taux d’inflation élevés, que Macklem a déclaré que la banque espère réduire sans plonger l’économie dans une récession malgré la complexité accrue des défis.
« Notre objectif est vraiment de réaliser un atterrissage en douceur avec un retour de l’inflation à la cible, mais cela va être délicat et il y a des risques autour de cela. »
Ce rapport de La Presse canadienne a été publié pour la première fois le 9 juin 2022.