Guilbeault dénonce l’immobilisme des pétrolières en matière d’action climatique
La ministre fédérale de l’Environnement reproche aux compagnies pétrolières canadiennes de ne pas avoir concrétisé leurs promesses de lutte contre le changement climatique.
Steven Guilbeault affirme que les principaux acteurs pétroliers du pays ont promis de faire quelque chose pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais qu’ils ont préféré verser la majeure partie de leurs bénéfices records aux actionnaires.
C’est au moins la troisième fois au cours des six derniers mois que la frustration de M. Guilbeault s’exprime alors que les bénéfices des compagnies pétrolières s’envolent. Cette fois, ses critiques ont pris la forme d’une vidéo postée sur Twitter alors que les principaux producteurs de pétrole commençaient à publier leurs résultats du troisième trimestre.
« Nous mettons déjà notre argent là où se trouve notre bouche », a déclaré M. Guilbeault dans une interview. « Je ne suis pas sûr qu’ils le fassent ».
Le premier rapport sur les bénéfices du secteur est venu vendredi de la Compagnie pétrolière impériale, qui a déclaré 2 milliards de dollars de bénéfices pour le troisième trimestre et 6,2 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de 2022. Ce chiffre est à comparer avec les 1,7 milliard de dollars des neuf premiers mois de 2021.
La société a déclaré qu’elle prévoyait de dépenser 1,5 milliard de dollars en rachats d’actions et a augmenté son dividende trimestriel de 30 %.
Cenovus, Suncor et Canadian Natural Resources doivent publier leurs résultats la semaine prochaine.
Ces quatre sociétés, ainsi que MEG Energy et ConocoPhillips Canada, constituent ce que l’on appelle la Pathways Alliance, un consortium formé pour s’attaquer à l’action climatique dans le domaine des sables bitumineux.
Les prix mondiaux du pétrole ont grimpé en flèche au début de 2022, en grande partie à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et les entreprises canadiennes en ont profité.
Au cours des six premiers mois de 2022, les entreprises de Pathways ont enregistré des bénéfices de plus de 22 milliards de dollars. Cela se compare à moins de 6 milliards de dollars pour les six premiers mois de 2021.
Un porte-parole de l’Alliance n’a pas voulu répondre à l’appel de M. Guilbeault vendredi, disant que le consortium ne commente pas les décisions financières de ses membres.
Il y a deux semaines, le groupe a déclaré qu’il dépenserait 24 milliards de dollars au cours des huit prochaines années pour des projets de réduction des émissions, mais il attend une aide financière supplémentaire d’Ottawa avant de passer à la vitesse supérieure.
Les entreprises pourraient obtenir une partie de ce qu’elles demandent la semaine prochaine lorsque la ministre des Finances Chrystia Freeland déposera son mini-budget d’automne. Elle pourrait s’en servir pour modifier le crédit d’impôt pour la technologie de capture et de stockage du carbone qu’elle a introduit au printemps dernier.
La technologie qui permet de piéger les émissions provenant de sources industrielles et de les renvoyer sous terre est essentielle pour les sociétés pétrolières et gazières, car elle constitue un élément majeur de la façon dont elles peuvent continuer à produire leurs produits tout en respectant leurs exigences en matière de réduction des émissions.
Le crédit d’impôt actuel – qui vise essentiellement à couvrir la moitié du prix des investissements en capital – coûtera à Ottawa environ 2,6 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et 1,5 milliard de dollars par an pendant les quatre années suivantes.
Les compagnies pétrolières avaient demandé une couverture allant jusqu’à 75 pour cent et n’étaient pas satisfaites de la proposition de 50 pour cent.
Le Canada pourrait être obligé d’améliorer son jeu parce que la loi américaine sur la réduction de l’inflation offre des incitations plus généreuses pour la technologie de capture du carbone.
Guilbeault a déclaré vendredi qu’il ne savait pas quel était le plan pour le crédit d’impôt, bien qu’il ait reconnu que l’incitation américaine a changé le tableau national.
« Bien sûr, nous regardons ce que les États-Unis ont fait », a-t-il dit. « … C’est un monde d’investissement compétitif, nous le comprenons. Mais en même temps, je veux dire, les entreprises de sables bitumineux sont au Canada. Et elles ne peuvent pas faire de projets de réduction des émissions aux États-Unis. Si elles croient en l’avenir de leurs entreprises, elles doivent faire ces investissements dans la décarbonisation au Canada. »
M. Guilbeault a déclaré que les projections montrent que d’ici 2050, la demande mondiale de pétrole sera inférieure au tiers de ce qu’elle est aujourd’hui, et que la totalité du pétrole devra provenir de sources qui n’ajoutent pas d’émissions lors de la production.
« Y aura-t-il une place pour l’une des formes de pétrole les plus émettrices si l’on ne fait pas ces investissements dans la décarbonisation ? Je ne le pense pas. »
Ce reportage de la Presse canadienne a été publié pour la première fois le 29 octobre 2022.