Biden contre Macron : Première rencontre depuis le conflit des sous-marins
ROME — L’une des rencontres les plus difficiles du président Joe Biden au sommet du G-20 pourrait être celle avec le dirigeant du plus ancien allié des États-Unis : la France.
Biden et le président français Emmanuel Macron se rencontreront vendredi à Rome, alors que Paris est encore sous le choc d’un accord secret entre les États-Unis et la Grande-Bretagne sur des sous-marins avec l’Australie, qui a laissé la France dans l’embarras et ébranlé la confiance de l’Europe dans la loyauté américaine.
Les deux hommes se sont entretenus deux fois depuis lors et leur première rencontre en face à face depuis l’éclatement du scandale en septembre marque le dernier effort américain pour tenter d’apaiser les choses.
Selon un haut fonctionnaire français, M. Macron attend de M. Biden un nouvel « engagement » à soutenir les opérations antiterroristes françaises dans la région du Sahel, en Afrique. La France a cherché à obtenir une plus grande coopération militaire et de renseignement de la part des Etats-Unis au Sahel.
Biden et Macron doivent discuter de nouvelles façons de coopérer dans l’Indo-Pacifique, un geste destiné à apaiser la colère de la France qui a été exclue du partenariat États-Unis/Royaume-Uni/Australie qui a accompagné l’accord sur les sous-marins. Parmi les autres sujets à l’ordre du jour figurent la Chine, l’Afghanistan et l’Iran, notamment à la lumière de la décision de ce dernier pays de retourner à la table des négociations nucléaires le mois prochain.
Le contrat de sous-marins mené par les États-Unis a supplanté un accord français antérieur visant à fournir à l’Australie ses propres sous-marins. Les États-Unis ont fait valoir que cette décision, qui équipera l’allié du Pacifique de bateaux à propulsion nucléaire de meilleure qualité, permettra à l’Australie de mieux contenir l’empiètement de la Chine dans la région.
Mais les Français, qui ont perdu plus de 60 milliards de dollars dans cet accord, ont affirmé que l’administration Biden les a trompés au plus haut niveau sur les négociations avec l’Australie et ont même critiqué le fait que Biden adoptait les tactiques de son prédécesseur grandiloquent, Donald Trump. La France est particulièrement furieuse d’avoir été tenue dans l’ignorance d’un changement géopolitique majeur et d’avoir vu ses intérêts dans l’Indo-Pacifique – où la France possède des territoires comptant 2 millions d’habitants et 7 000 soldats – ignorés.
La dispute a remis en cause l’image soigneusement soignée de M. Biden, qui s’efforce de stabiliser et de renforcer l’alliance transatlantique après la présidence de M. Trump, alors que la France, pour la première fois en quelque 250 ans de relations diplomatiques, a retiré son ambassadeur aux États-Unis en signe de protestation.
Les responsables américains, à commencer par M. Biden, ont travaillé pendant des semaines pour essayer d’apaiser les tensions, mais pas tellement pour que M. Biden se rende lui-même en France pour essayer de rétablir les relations avec Paris. Au lieu de cela, il a envoyé la vice-présidente Kamala Harris pour une visite au début du mois de novembre.
Dans une concession de la Maison Blanche, la rencontre Biden-Macron à Rome est organisée et accueillie par la France, ce que le bureau de Macron a qualifié de « politiquement important. » Pendant ce temps, la première dame Jill Biden devait accueillir Brigitte Macron pour un « engagement bilatéral » vendredi après-midi.
Les responsables de la Maison Blanche ont déclaré que M. Biden n’a pas présenté d’excuses officielles au dirigeant français, mais, selon l’attachée de presse Jen Psaki, « il a reconnu qu’il aurait pu y avoir une plus grande consultation » avant l’annonce de l’accord.
Le conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, Jake Sullivan, a déclaré que les deux dirigeants « couvriraient littéralement le front des questions auxquelles l’alliance Etats-Unis-France est confrontée », y compris le contre-terrorisme au Moyen-Orient, la Chine et les questions commerciales et économiques.
« Nous sommes très satisfaits de l’engagement intensif que nous avons eu avec la France au cours des dernières semaines », a-t-il ajouté. Il a dit qu’il s’attendait à ce que Biden et Macron publient une déclaration commune soulignant les domaines de coopération mutuelle, y compris l’Indo-Pacifique et la coopération économique et technologique.
Alors que les États-Unis se concentrent sur l’Asie, M. Macron cherche à renforcer les capacités de défense de l’Europe, notamment en augmentant le nombre d’équipements militaires et d’opérations militaires à l’étranger.
La France est également déterminée à mettre du « muscle » dans la stratégie géopolitique de l’Europe face à une Chine de plus en plus affirmée, a déclaré l’ambassadeur de France en Australie, Jean-Pierre Thebault, à l’Associated Press au début du mois.
La France souhaite que les alliés occidentaux « se répartissent les rôles » au lieu de se faire concurrence, et que les Américains soient « des alliés aussi loyaux et aussi disponibles pour leurs partenaires européens que d’habitude », selon le haut fonctionnaire français.
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Corbet a fait un reportage à Paris.