Avec tous les yeux rivés sur l’Ukraine, Poutine va envoyer son envoyé dans les Balkans
BELGRADE, SERBIE — Alors que tous les regards sont tournés vers une éventuelle invasion de l’Ukraine par la Russie, le président russe Vladimir Poutine envoie son plus haut responsable de la sécurité dans les Balkans, où Moscou tente de maintenir son influence principalement par le biais de son alliée la Serbie, selon des rapports.
Les médias pro-gouvernementaux serbes ont déclaré lundi que Nikolai Patrushev, le puissant secrétaire du Conseil de sécurité du Kremlin, devrait arriver à Belgrade dans les prochains jours pour des entretiens avec le président serbe Aleksandar Vucic. Moscou n’a pas fait d’annonce concernant le voyage de Patrushev.
Les discussions devraient porter sur les affirmations de Moscou selon lesquelles des « mercenaires » d’Albanie, du Kosovo et de Bosnie sont envoyés par ces États des Balkans pour combattre du côté ukrainien contre les rebelles pro-russes, dans un contexte de crainte d’une attaque russe.
Les responsables de l’Albanie, du Kosovo et de la Bosnie ont rejeté ces affirmations, qui ont été faites par le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov la semaine dernière.
« Il y a des informations selon lesquelles des mercenaires sont recrutés au Kosovo, en Albanie et en Bosnie-Herzégovine pour déséquilibrer la Russie et les envoyer dans des endroits comme le Donbass », a déclaré Lavrov selon l’agence de presse russe TASS, en référence au territoire tenu par les rebelles dans l’est de l’Ukraine. « Nous sommes en train de revérifier cela ».
Lundi, Vucic a convoqué une réunion des principaux responsables de la sécurité de la Serbie, qui auraient également discuté des rapports faisant état de « mercenaires » des Balkans se rendant en Ukraine. Des dizaines de combattants serbes ont par le passé combattu dans l’est de l’Ukraine, mais du côté des rebelles pro-russes.
La Serbie a officiellement déclaré sa neutralité dans l’impasse Russie-Ukraine qui menace une guerre majeure en Europe. Cependant, les médias contrôlés par l’État serbe soutiennent carrément Moscou dans cette crise, en diffusant la propagande russe sans qu’aucune question ne soit soulevée.
Bien qu’elle cherche officiellement à adhérer à l’Union européenne, la Serbie a refusé d’aligner sa politique étrangère sur celle du bloc des 27 nations et a plutôt renforcé ses liens politiques, économiques et militaires avec la Russie et la Chine.
Vucic, de plus en plus autocratique, qui doit affronter les élections générales du 3 avril, a ouvert sa campagne le week-end dernier en déclarant que tant qu’il sera au pouvoir, la Serbie n’adhérera jamais à l’OTAN et maintiendra ses liens étroits avec Moscou et Pékin.
Illustrant les liens croissants entre les deux alliés slaves, la Serbie et la Russie ont récemment formé un « groupe de travail » chargé de lutter contre les révoltes populaires connues sous le nom de « révolutions de couleur » que les hauts responsables de la sécurité des deux pays ont décrites comme des instruments de l’Occident pour déstabiliser les « États libres. »
Les responsables occidentaux ont accusé le Kremlin d’exercer une influence « malveillante » dans les Balkans, qui a contribué à alimenter une vague de nationalisme menaçant d’anéantir la paix en Bosnie après la guerre de 1992-1995, de rallumer le conflit armé au Kosovo, qui s’est séparé de la Serbie en 2008, et d’attiser les troubles politiques en Macédoine du Nord et au Monténégro, membres de l’OTAN.
Moscou a démenti à plusieurs reprises ces affirmations, tout en maintenant que la Bosnie, la Serbie et le Kosovo ne doivent jamais rejoindre l’OTAN.
La Bosnie est au cœur d’une crise politique, les ministres des affaires étrangères de l’UE se réunissant à Bruxelles pour discuter des moyens d’apaiser les tensions et d’empêcher l’éclatement éventuel de ce pays des Balkans ethniquement divisé. Les Serbes de Bosnie, qui ont le soutien de la Serbie et de la Russie, menacent de se séparer de la fédération.
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Llazar Semini a contribué à ce rapport depuis Tirana, Albanie.